À La Seyne-sur-Mer, la mémoire ouvrière ne prend pas la poussière. Grâce à l’engagement du Centre de Ressources sur la Construction Navale (CRCN), les souvenirs des grands chantiers navals continuent de vibrer, d’être racontés, transmis, valorisés.
L’année dernière, à l’occasion de son assemblée générale à la Bourse du Travail, l’association a présenté l’un de ses travaux les plus marquants : une brochure dédiée à deux paquebots emblématiques nés à La Seyne, le Sagafjord et le Fairsky.
À travers ces deux géants des mers, c’est toute une époque, celle des turbines à vapeur, des croisières mythiques et des luttes sociales, que le CRCN fait revivre.
Un travail de fond, rigoureux, passionné — au service d’une histoire locale qui a marqué le monde entier.
🚢 Sagafjord : l’élégance d’un géant des mers
Parmi les 1 444 navires construits aux chantiers de La Seyne, le Sagafjord occupe une place particulière dans le cœur des anciens.
Mis à l’eau le 14 juin 1964 pour la compagnie scandinave Norwegian America Line, ce prestigieux paquebot détient un record : 44 croisières à son actif, dépassant même le célèbre Queen Elizabeth 2.
Mais ce n’est pas tout. En 2009, soit 45 ans après son lancement, le Sagafjord revient à La Seyne pour un ultime dîner à bord avec ses anciens ouvriers, avant de prendre la route de son démantèlement, en Chine, l’année suivante.
Un moment chargé d’émotion, symbole du lien profond entre ces géants des mers et ceux qui leur ont donné vie.
🔧 Fairsky : entre fierté ouvrière et lutte sociale
Livré en 1984 à la compagnie italienne Sitmar Cruises, le Fairsky est un autre symbole fort du savoir-faire seynois.
Dernier paquebot équipé de turbines à vapeur, il entre aussi dans l’histoire comme le théâtre d’un mouvement social marquant.
À l’époque, en pleine crise de restructuration des chantiers, des ouvriers décident de bloquer le navire à quai.
Pendant plusieurs jours, ils occupent les lieux, installent des braseros, et certains viennent même avec leur canne à pêche, pour tenir bon face à l’attente et l’incertitude.
« Seuls ceux qui n’ont pas participé à ces luttes sortent soulagés de cet épisode », confie Jean-Claude Giusti, avec gravité.
Rebaptisé Atlantic Star, le Fairsky finira sa course à Marseille avant d’être démoli en Turquie en 2013, après une vie jalonnée de rachats et de changements de nom.
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