« La musique, c’est ce qu’il y a de plus beau dans ce monde avec l’art » raconte Willibrord Crijnen dans son atelier de luthier. Si l’homme façonne chaque jour le bois jusqu’à ce qu’il parvienne à le métamorphoser en un violon semblable en tout point aux Stradivarius ou aux Guarnerius qui étaient fabriqués au début du XVIIIe siècle à Crémone en Italie, c’est avec son savoir-faire et son audition parfaite qu’il parvient à l’excellence.
« Pendant de nombreux mois, on m’a vu déambuler, à vélo, dans les rues d’Amsterdam avec un violon de plus de deux millions d’euros sur le dos. »
« Être luthier, ce n’est pas simplement assembler des morceaux de bois. Il faut être musicien pour créer un instrument et connaître le son exact de l’instrument que l’on nous demande. Lorsque j’étais jeune, un ami super soliste de l’orchestre du ballet d’Amsterdam (ndlr : William Bernhard) avait en sa possession, par le biais d’un prêt d’une fondation, un authentique Guarnerius « Del Gesù » de 1731. Il me l’a cédé pendant une année afin que je sois capable de reproduire avec exactitude le son de ce dernier. Pendant de nombreux mois, on m’a vu déambuler, à vélo, dans les rues d’Amsterdam avec un violon de plus de deux millions d’euros sur le dos. J’ai joué chaque jour pour en saisir toute la mécanique. Avec les instruments anciens, les cordes résistent d’une certaine manière sous l’archet. Il me fallait chercher et comprendre les limites de ce bien si précieux. »
« J’utilise les mêmes outils qu’au XVIIIe siècle et surtout le même bois. Une fois vieilli, ce dernier fait un son plus rond, plus homogène. »
Copiste rigoureux, musicien reconnu aux Pays-Bas, royaume qui l’a vu naître, Willibrord a compris très tôt quelle serait sa vocation. « Dans ma famille, tout le monde joue d’un instrument. Moi, j’avais trouvé l’objet de mes rêves dans notre grenier, à quatre ans, ce qui a motivé mon père à me donner des cours très tôt. Six ans plus tard, je fabriquais mon premier violon en bois que j’ai montré à un luthier. Il m’a pris en apprentissage les soirs et le week-end. À l’université, je me suis essayé aux études d’astrophysique, mais la seule chose qui m’importait en réalité dans cette matière c’était de comprendre l’acoustique et la manière dont un son pouvait être fabriqué. J’ai toujours été émerveillé par le fait que le violon puisse traduire de la gaieté ou de la mélancolie selon le geste choisi pour le faire chanter. » Si Willibrord a ouvert sa première adresse en 1986 dans les rues d’Amsterdam, la poésie qui accompagne l’homme dans chacun de ses gestes a traversé les âges. « J’utilise les mêmes outils qu’au XVIIIe siècle et surtout le même bois. Une fois vieilli, ce dernier fait un son plus rond, plus homogène. C’est cela que mes clients viennent chercher. C’est pour cette raison que je me fournis dans des salons, je fais le tour des antiquaires. » Restaurateur, créateur sur mesure, il est capable de donner vie à un instrument d’exception en seulement deux mois. « C’est le séchage qui est le plus long » lorsqu’on souhaite remonter le temps.
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Cet article est extrait du Hors Série papier N4 du Métropolitan.fr. Le magazine est gratuit et sera disponible en avant première, vendredi 16 septembre, à partir de 18h au domaine du plan de la mer pour une soirée « La Culture dans la Culture ».