Il a assisté à la Révolution Syrienne, vu les horreurs commises par Daesh en Irak et agit en Ukraine. Ecrivain, il était vendredi au Brusc, pour présenter son dernier ouvrage.
« On voit l’Histoire se mettre en marche. »
François Dupaquier est de tous les combats. Qu’il arpente les zones de guerre muni d’un gilet pare-balles et d’un casque militaire ou qu’il dépeigne les méandres de l’esprit humain sur une page blanche, « rien n’est facile ». Cet auteur de fiction à la vie romanesque possède un cabinet de conseil spécialisé dans les conflits internationaux. Sa mission: évaluer au coeur des zones de frappes les réponses humanitaires nécessaires. À son carnet de voyage : des allers-retours en Syrie pendant 8 ans, où il a assisté aux prémices de la révolution, l’Irak mais aussi l’Afghanistan et le Sahel. « Ce qui motive à partir sur ces lieux dans ces contextes, commence-t-il, c’est l’envie d’aider. Je crois qu’il y a aussi peut-être un goût pour l’aventure qu’on ne peut pas nier. Après on voit l’Histoire se mettre en marche. Et puis quelque chose d’autre entre en jeu. Le désir de témoigner. »
« Je suis arrivé à la littérature ainsi : presque par hasard et avec un rapport très engagé. »
L’homme s’engouffre alors dans le monde des images montées à l’écran. « On dit souvent que le documentaire est le parent pauvre de l’univers de l’audiovisuel. J’avais en main un scénario, ce dernier a reçu des prix, c’était un vrai projet concret, mais je ne parvenais pas à porter cette réalité à l’écran. J’ai alors songé à une bande-dessinée. La maison d’édition Fayard a été séduite par l’idée et m’a commandé un roman, directement. Je suis arrivé à la littérature ainsi : presque par hasard et avec un rapport très engagé. »
Un véritable témoignage.
Son premier ouvrage intitulé Juste parmi les hommes est un succès en librairie. Il y raconte un homme en quête de vérité qui découvre un scandale humanitaire sans précédent. Pour l’auteur, c’est l’occasion de « peindre les zones d’ombre de la réalité dans une fiction ». En imaginant des personnages qui traversent « des petits bouts de l’Histoire » il souhaite témoigner d’un contexte qu’il connait extrêmement bien. « En huit ans d’allers-retours dans la zone, j’ai vu la Syrie s’effondrer. J’ai rencontré des combattants pour la liberté. Non, les syriens n’étaient pas tous les islamistes extrémistes que la loghorrée russe a bien voulu décrire. Mon souhait était de plonger le lecteur dans cet univers, dans l’horreur de la réalité que certains affrontent chaque jour. J’ai le désir qu’on oublie pas, c’est pour cette raison que mes romans sont extrêmement bien documentés, pour attester. »
Un roman à venir sur le conflit Ukrainien ?
Entre deux missions, celui qui connaît la guerre et son bruit, s’isole à une table avec pour seule compagnie le silence de ses pages blanches. Il a publié en mai dernier un nouvel ouvrage aux éditions Flammarion La Lionne. Dans ce texte, ce sont les horreurs de Daesh qui y sont décrites. Tara, une jeune policière parisienne en quête de sa propre identité va fouler sa terre de naissance : l’Irak, afin de résoudre le meurtre de deux repentis de l’Etat Islamique.
Le succès est à nouveau au rendez-vous. L’écrivain a encore trois autres idées de romans sur la table. Mais ces derniers devront attendre, car aux portes de l’Europe, un nouveau conflit militaire a explosé en Ukraine. Le jour de l’entrée en guerre du pays, l’homme a pris sa voiture pour passer la frontière à contre courant de la marée humaine. « J’ai déjà en tête une nouvelle intrigue qui contera l’Ukraine. Mais j’ai besoin de temps pour ça. Je ne peux pas écrire au présent, la distance m’est nécessaire. L’écriture est pour moi comme un chantier. »
Comme s’il fallait une preuve supplémentaire de l’aspect cathartique de ses oeuvres, il termine : « En définitive, je compose un livre comme on clôt un chapitre de vie. »
« Depuis un an, on m’appelle le boulanger du Donbass »
En découvrant l’étendue des besoins humanitaires en Ukraine et l’inaction de la communauté internationale, François Dupaquier crée une ONG U-Saved en collaboration avec une autre organisation ukrainienne. Sur place, douze salariés et une vingtaine de volontaires oeuvrent au quotidien. Ensemble, ils se déplacent dans les secteurs où les plus grosses activités militaires ont lieu. En début du mois dernier, ils étaient dans le Donbass.
L’humanitaire raconte : « À ce jour, nous avons permis l’évacuation de presque 14 000 personnes. En cas de conflit, ce sont les populations les plus aisées qui partent en premier, reste les pauvres et les personnes âgées. Nous allons sur place pour offrir du pain également pour que ces malheureux ne meurent pas de faim. 70% de nos bénéficiaires ont plus de 60 ans. » En mars dernier, alors qu’un retard de livraison empêche les membres de l’ONG de se rendre à Pokrovsk avec les volontaires pour une distribution, un bombardement a lieu. 9 retraités y laissent la vie. « Je suis allé 9 fois en Ukraine en un an. Il faut rencontrer ce peuple pour saisir l’injustice. Je ne pouvais pas rester sans rien faire. L’Histoire bascule aux portes de l’Europe. La guerre se rapproche. Je pense à mes enfants. »