À quelques pas de l’Eglise Notre Dame de Bon Voyage, pendant la veillée de Noël, une multitude de sans abris et de personnes en grande précarité venant de Toulon et de ses environs ont été invités à un repas festif. Au programme, une paella géante, des boissons chaudes, du chocolat, des centaines de cadeaux et surtout beaucoup d’amour et de partage même entre inconnus.
Si l’instant avait été annoncé au cours des maraudes et dans les lieux où les plus démunis peuvent trouver refuge, nul n’avait besoin d’invitation pour trouver une place à table. Il suffisait de s’approcher pour qu’un bénévole vous enveloppe de chaleur humaine et vous propose une assiette.
Une nuit pour lever les barrières.
Pour Hélène Boiron, fondatrice et présidente de l’association Coiffure du coeur, à l’initiative de la rencontre, ce moment est l’occasion « de briser toutes les barrières. » Elle poursuit : « Certains sont en grandes précarités et n’auraient pas fêtés Noël par manque de moyen, d’autres sont seuls et ont besoin d’un regard, d’un sourire ou d’un échange. Il y en a même qui dorment à la rue et qui ont quitté leur morceau de trottoir le temps d’une soirée. Ces instants hors du temps et des conventions sont précieux. Lorsque j’ai commencé à aider, je faisais des maraudes à Toulon. On livrait en une nuit des centaines de repas, mais c’était comme à la chaine. Il fallait faire vite, distribuer des vivres et partir pour un autre endroit dans la foulée. Parce que je suis coiffeuse, j’ai eu envie de donner plus et j’ai créé un salon de rue pour les plus démunis. Les liens se sont faits très rapidement, et maintenant on se rejoint à Noël pour célébrer ce jour particulier en famille en n’oubliant pas de laisser la porte ouverte à tous ceux qui sont dans le besoin. » Déborah est une habituée de Coiffure du coeur. Elle possède un logement mais souffre d’agoraphobie. « Je ne vois presque personne au quotidien. Je savais qu’Hélène serait là, donc je n’avais pas peur de venir. Ce soir, je prends soin de moi en participant a un événement collectif et ça me rend heureuse. »
Après le repas, des centaines de cadeaux ont été offerts dont des couettes chaudes pour ceux qui vont rejoindre la rue quelques heures plus tard. Associations, entreprises, particuliers via le CCAS mais aussi écoliers de la ville ont participé à cette grande collecte de petits bonheurs à découvrir au pied du sapin. De quoi sensibiliser dans le même temps le plus grand nombre à la misère qui existe toujours dans les rues.
« Coiffer, c’est aussi rendre de la dignité »
Lorsque Hélène Boiron décide de créer une association pour aller coiffer les plus démunis dans les rues avec deux copines il y a de cela cinq ans, elle ne s’imaginait pas finir par être à la tête d’un réseau regroupant presque une cinquantaine de professionnels.
Aujourd’hui, neuf antennes de Coiffure du coeur existent, dont une à Paris. « C’est un grand succès qui ne peut s’expliquer que par le désir de solidarité qui existe en tout un chacun, explique l’intéressée. Les salons de rue sont des endroits où l’on échange plus que nul part ailleurs. C’est une chance folle de pouvoir faire partie de cette aventure lorsqu’on aime l’humain. Souvent, je coupe ma tondeuse et je poursuis la conversation avec cet autre que je viens de rencontrer. C’est quelque chose que j’aime follement. » Outre ces instants partagés, l’action réalisé par Hélène a une véritable conséquence sur la vie du sans abris qu’elle a en face d’elle. « Parfois, c’est même la posture du corps qui change. Quelqu’un qui repars avec une coupe fraiche va souvent se redresser automatiquement. On rend un peu d’estime de soi à l’autre. »
Thierry, le mari d’Hélène intervient : « Il faut les voir entre eux également. Après une coupe de cheveux, ils se complimentent, se font des blagues parfois. Ce sont des vrais moments de joie et bonheur. » Utilisant une citation de Mère Teresa pour devise, à savoir « donne tes mains pour offrir et ton coeur pour aimer », Hélène intervient parfois dans les écoles et les collèges pour inculquer aux enfants la valeur du partage et du don. Pour Noël, elle a d’ailleurs incité certains d’entre eux, via les parents, à offrir un petit quelque chose à ceux qui sont nés avec moins de chance.