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mercredi 18 juin 2025

Les victimes de la fusillade de la rue d’Isly témoignent

Le 26 mars 1962 soit 8 jours après les accords d’Evian, les troupes françaises mitraillent pendant une quinzaine de minutes des manifestants favorables à l’Algérie Française, rue d’Isly à Alger, faisant 46 morts le jour même et environ 200 blessés.

Le déclencheur de ce massacre n’a jamais été éclairci. Pour beaucoup d’historiens, cet événement est l’un des plus marquants de la censure pratiquée pendant la Guerre d’Algérie. Si l’Etat Français n’a jamais reconnu sa responsabilité, le président Emmanuel Macron a qualifié la tuerie de « Massacre impardonnable pour la République. » 

Soixante-deux ans après l’événement, les rapatriés d’Afrique du Nord se sont réunis dans le cimetière de la ville en compagnie du maire Jean-Sébastien Vialatte et d’une poignée de ses adjoints pour se souvenir des morts.

« J’avais 25 ans et j’étais dans la foule »

Jacqueline avait 25 ans et deux enfants en bas âge à la maison. Après que les forces de l’ordre aient décidé d’un blocus dans le quartier de Bab El-Oued, elle décide de se joindre à la foule pour manifester. « Mon mari n’aimait pas ce genre de chose mais moi je voulais faire entendre ma voix. Devant moi, j’ai vu les premiers corps tomber et j’ai entendu les balles. J’ai ouvert la première porte que j’ai trouvé, c’était un immeuble, je suis montée au cinquième étage et j’ai attendu plusieurs heures qu’il n’y ait plus de bruit. » Si le souvenir reste intact, les émotions aussi, elle termine : « Ce sont les troupes françaises qui ont fait le coup. Des français ont tirés sur des français. J’avais mes enfants à la maison. Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti ce jour-là. » 

« Mon père a pris une balle perdue dans notre salon »

Joseph Lopez, père de Gérard est mort dans son salon d’une balle perdue, dix jours avant la fusillade de la rue d’Isly. S’il fait partie des victimes inscrites sur les listes officielles de ce tragique événement, c’est qu’il habitait dans le quartier de Bab El-Oued dont l’Etat de siège a déclenché la manifestation du 26 mars.

Parce que sept appelés du contingent avaient été tués par des éléments de l’OAS ( une organisation terroriste clandestine française proche de l’extreme droite) à la suite d’un accrochage, des fouilles violentes et un blocus avaient été décidés par les forces de l’ordre dans ce quartier.

Gérard raconte : « D’un coup, il y a eu des tirs sur les immeubles, les balles filaient. Moi, j’étais un enfant recroquevillé sur la terrasse et mon père, dans le salon essayait de me trouver. Il a pris une balle dans l’artère fémorale et s’est vidé de son sang avant d’arriver à l’hôpital. Le reste de la nuit, je l’ai passé dans les toilettes avec le reste de la famille. C’était la seule pièce de la maison qui n’avait pas un mur qui donnait sur l’extérieur. » 

Aujourd’hui, l’homme dit être en paix. Il n’est jamais retourné sur sa terre natale après le drame et a épousé une métropolitaine. Tous les ans, il commémore la date pour que personne n’oublie. « L’histoire se referme sur nous, les pieds-noirs disparaissent. Mais avec mon frère, tant qu’on sera en vie, on viendra commémorer ce qu’il s’est passé. On critique aujourd’hui Israël qui tire sur des civils à Gaza, ou les russes en Ukraine. À l’époque, la France n’a pas fait mieux. » 

Avant que la cérémonie ne se termine, Gérard a souhaité lire tous les noms des morts ce jour-là : Français et Algériens.

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Les victimes de la fusillade de la rue d’Isly témoignent

Le 26 mars 1962 soit 8 jours après les accords d’Evian, les troupes françaises mitraillent pendant une quinzaine de minutes des manifestants favorables à l’Algérie Française, rue d’Isly à Alger, faisant 46 morts le jour même et environ 200 blessés.

Le déclencheur de ce massacre n’a jamais été éclairci. Pour beaucoup d’historiens, cet événement est l’un des plus marquants de la censure pratiquée pendant la Guerre d’Algérie. Si l’Etat Français n’a jamais reconnu sa responsabilité, le président Emmanuel Macron a qualifié la tuerie de « Massacre impardonnable pour la République. » 

Soixante-deux ans après l’événement, les rapatriés d’Afrique du Nord se sont réunis dans le cimetière de la ville en compagnie du maire Jean-Sébastien Vialatte et d’une poignée de ses adjoints pour se souvenir des morts.

« J’avais 25 ans et j’étais dans la foule »

Jacqueline avait 25 ans et deux enfants en bas âge à la maison. Après que les forces de l’ordre aient décidé d’un blocus dans le quartier de Bab El-Oued, elle décide de se joindre à la foule pour manifester. « Mon mari n’aimait pas ce genre de chose mais moi je voulais faire entendre ma voix. Devant moi, j’ai vu les premiers corps tomber et j’ai entendu les balles. J’ai ouvert la première porte que j’ai trouvé, c’était un immeuble, je suis montée au cinquième étage et j’ai attendu plusieurs heures qu’il n’y ait plus de bruit. » Si le souvenir reste intact, les émotions aussi, elle termine : « Ce sont les troupes françaises qui ont fait le coup. Des français ont tirés sur des français. J’avais mes enfants à la maison. Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti ce jour-là. » 

« Mon père a pris une balle perdue dans notre salon »

Joseph Lopez, père de Gérard est mort dans son salon d’une balle perdue, dix jours avant la fusillade de la rue d’Isly. S’il fait partie des victimes inscrites sur les listes officielles de ce tragique événement, c’est qu’il habitait dans le quartier de Bab El-Oued dont l’Etat de siège a déclenché la manifestation du 26 mars.

Parce que sept appelés du contingent avaient été tués par des éléments de l’OAS ( une organisation terroriste clandestine française proche de l’extreme droite) à la suite d’un accrochage, des fouilles violentes et un blocus avaient été décidés par les forces de l’ordre dans ce quartier.

Gérard raconte : « D’un coup, il y a eu des tirs sur les immeubles, les balles filaient. Moi, j’étais un enfant recroquevillé sur la terrasse et mon père, dans le salon essayait de me trouver. Il a pris une balle dans l’artère fémorale et s’est vidé de son sang avant d’arriver à l’hôpital. Le reste de la nuit, je l’ai passé dans les toilettes avec le reste de la famille. C’était la seule pièce de la maison qui n’avait pas un mur qui donnait sur l’extérieur. » 

Aujourd’hui, l’homme dit être en paix. Il n’est jamais retourné sur sa terre natale après le drame et a épousé une métropolitaine. Tous les ans, il commémore la date pour que personne n’oublie. « L’histoire se referme sur nous, les pieds-noirs disparaissent. Mais avec mon frère, tant qu’on sera en vie, on viendra commémorer ce qu’il s’est passé. On critique aujourd’hui Israël qui tire sur des civils à Gaza, ou les russes en Ukraine. À l’époque, la France n’a pas fait mieux. » 

Avant que la cérémonie ne se termine, Gérard a souhaité lire tous les noms des morts ce jour-là : Français et Algériens.

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Le 26 mars 1962 soit 8 jours après les accords d’Evian, les troupes françaises mitraillent pendant une quinzaine de minutes des manifestants favorables à l’Algérie Française, rue d’Isly à Alger, faisant 46 morts le jour même et environ 200 blessés.

Le déclencheur de ce massacre n’a jamais été éclairci. Pour beaucoup d’historiens, cet événement est l’un des plus marquants de la censure pratiquée pendant la Guerre d’Algérie. Si l’Etat Français n’a jamais reconnu sa responsabilité, le président Emmanuel Macron a qualifié la tuerie de « Massacre impardonnable pour la République. » 

Soixante-deux ans après l’événement, les rapatriés d’Afrique du Nord se sont réunis dans le cimetière de la ville en compagnie du maire Jean-Sébastien Vialatte et d’une poignée de ses adjoints pour se souvenir des morts.

« J’avais 25 ans et j’étais dans la foule »

Jacqueline avait 25 ans et deux enfants en bas âge à la maison. Après que les forces de l’ordre aient décidé d’un blocus dans le quartier de Bab El-Oued, elle décide de se joindre à la foule pour manifester. « Mon mari n’aimait pas ce genre de chose mais moi je voulais faire entendre ma voix. Devant moi, j’ai vu les premiers corps tomber et j’ai entendu les balles. J’ai ouvert la première porte que j’ai trouvé, c’était un immeuble, je suis montée au cinquième étage et j’ai attendu plusieurs heures qu’il n’y ait plus de bruit. » Si le souvenir reste intact, les émotions aussi, elle termine : « Ce sont les troupes françaises qui ont fait le coup. Des français ont tirés sur des français. J’avais mes enfants à la maison. Je n’oublierai jamais ce que j’ai ressenti ce jour-là. » 

« Mon père a pris une balle perdue dans notre salon »

Joseph Lopez, père de Gérard est mort dans son salon d’une balle perdue, dix jours avant la fusillade de la rue d’Isly. S’il fait partie des victimes inscrites sur les listes officielles de ce tragique événement, c’est qu’il habitait dans le quartier de Bab El-Oued dont l’Etat de siège a déclenché la manifestation du 26 mars.

Parce que sept appelés du contingent avaient été tués par des éléments de l’OAS ( une organisation terroriste clandestine française proche de l’extreme droite) à la suite d’un accrochage, des fouilles violentes et un blocus avaient été décidés par les forces de l’ordre dans ce quartier.

Gérard raconte : « D’un coup, il y a eu des tirs sur les immeubles, les balles filaient. Moi, j’étais un enfant recroquevillé sur la terrasse et mon père, dans le salon essayait de me trouver. Il a pris une balle dans l’artère fémorale et s’est vidé de son sang avant d’arriver à l’hôpital. Le reste de la nuit, je l’ai passé dans les toilettes avec le reste de la famille. C’était la seule pièce de la maison qui n’avait pas un mur qui donnait sur l’extérieur. » 

Aujourd’hui, l’homme dit être en paix. Il n’est jamais retourné sur sa terre natale après le drame et a épousé une métropolitaine. Tous les ans, il commémore la date pour que personne n’oublie. « L’histoire se referme sur nous, les pieds-noirs disparaissent. Mais avec mon frère, tant qu’on sera en vie, on viendra commémorer ce qu’il s’est passé. On critique aujourd’hui Israël qui tire sur des civils à Gaza, ou les russes en Ukraine. À l’époque, la France n’a pas fait mieux. » 

Avant que la cérémonie ne se termine, Gérard a souhaité lire tous les noms des morts ce jour-là : Français et Algériens.

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