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lundi 13 octobre 2025

La Coudoulière, mémoire vive d’une usine disparue

Savez-vous que la Coudoulière fut, au début du XXe siècle, l’un des pôles industriels phares de la côte varoise ? Ses fours, ses briques et ses cargaisons exportées par tartanes jusqu’en Afrique du Nord et au Moyen-Orient faisaient vivre des centaines de familles six-fournaises. Aujourd’hui, seule subsiste la maison du directeur, devenue la Maison du Cygne.

De l’artisanat à l’industrie

Si la tuilerie s’est implantée en ces lieux, ce n’est pas un hasard. Le sous-sol abritait un riche gisement d’argile de qualité, les forêts voisines fournissaient le bois pour alimenter les fours, et la nappe phréatique facilitait le façonnage de la terre.
Au départ, l’exploitation restait artisanale et saisonnière : en 1812, quatorze ouvriers n’y travaillaient qu’une centaine de jours par an. Mais en 1900, l’entrepreneur Étienne Boyer fonde une société qui transforme l’activité. Dès le début du siècle, une ligne de fours produit déjà près de 45 tonnes de tuiles et de briques par jour. Dans les années 1930, l’usine atteint son apogée : 320 ouvriers y sont employés et la production dépasse les 20 000 tonnes annuelles.
Dans les années 1960, les gisements s’épuisent, les installations vieillissent et les coûts de production s’envolent. En 1967, l’usine ferme définitivement ses portes.

Une histoire sociale et ouvrière

Aujourd’hui, ce passé ne s’efface pas. Des chercheurs bénévoles et des membres de l’association Les Amis du Patrimoine de Six-Fours et de ses environs recueillent les récits des anciens pour préserver la mémoire ouvrière. Comme le rappelle Claude Majastre, engagé depuis de nombreuses années :

Gérard Orsucci, Josyane Giaco-Tornato et Claude Majastre. Tous les trois luttent pour la conservation de la mémoire.

« Ce lieu n’est pas seulement une usine disparue. C’est une histoire sociale, ouvrière, humaine. Derrière les chiffres de production et les murs de briques, il y a des visages, des gestes, une communauté soudée. »

Les témoignages collectés racontent le quotidien d’une vie rude, mais marquée par une solidarité exceptionnelle. L’un d’eux se souvenait :

« À l’époque, il y avait beaucoup de fatalisme : lorsqu’on avait mal quelque part, on faisait avec et on retournait s’abîmer le lendemain. Ma mère avait toujours les mains douloureuses à cause de la chaleur du four et de la fraîcheur des locaux, car bon nombre de vitres étaient brisées. Elle se frottait constamment les mains. Lorsqu’elle nous embrassait le matin, elle avait déjà l’odeur de la tuile et de la sueur. »

La parole des ouvrières

Parmi ces voix, celle de Fernande Tornato occupe une place singulière. Ancienne employée des tuileries, elle avait confié ses souvenirs aux Amis du Patrimoine, retranscrits dans leur Cahier du Patrimoine Ouest Varois n°11 :

« La tuilerie était la seule activité qui embauchait. Ce n’était pas difficile, quelqu’un qui ne travaillait pas bien à l’école allait à l’usine. La loi disait qu’à 14 ans on pouvait y travailler. Les jeunes commençaient à « percer » puis à « brouetter ». (…) C’était vraiment un travail de forçat que l’on faisait… La poussière c’était notre élément, il fallait travailler en espadrilles car on ne pouvait pas supporter autre chose aux pieds. »

La transmission par les familles

À quelques pas de l’ancienne usine, Josyane Tornato, fille d’ouvrière, s’attache elle aussi à entretenir la mémoire. Chaque année, elle réunit les enfants d’anciens employés sous les bois de la Coudoulière.

« C’est tout un pan de l’histoire locale qui disparaîtrait si on n’y prend pas garde. J’aime me souvenir de ma mère, raconter son histoire, apprendre de nouvelles choses sur elle. »

Fernande Tornato, sa mère, incarne ce courage quotidien. Adolescente pendant la guerre, envoyée au chantier naval de La Seyne, elle cachait parfois du beurre dans ses poches pour nourrir les siens. À 17 ans, elle entre aux Tuileries comme brouetteuse, puis dérayonneuse. Levée à 6h30, elle n’arrêtait qu’une fois toutes ses tâches accomplies, avant de rejoindre ses enfants pour s’assurer qu’ils aient déjeuné et soient convenablement habillés. Le reste de sa journée se partageait entre couture et travaux des champs.

« Ma mère nous a toujours dit qu’on s’était faits seuls, mon frère et moi. Mais lorsque vous avez un modèle comme elle… comment voulez-vous pousser autrement que comme il le faut », conclut Josyane.

👉 Ce travail de mémoire mené par les associations locales et les chercheurs bénévoles fait revivre une histoire qui, sans eux, sombrerait dans l’oubli.

Pour les contacter, ici : https://histoire-six-fours.fr/

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La Coudoulière, mémoire vive d’une usine disparue

Savez-vous que la Coudoulière fut, au début du XXe siècle, l’un des pôles industriels phares de la côte varoise ? Ses fours, ses briques et ses cargaisons exportées par tartanes jusqu’en Afrique du Nord et au Moyen-Orient faisaient vivre des centaines de familles six-fournaises. Aujourd’hui, seule subsiste la maison du directeur, devenue la Maison du Cygne.

De l’artisanat à l’industrie

Si la tuilerie s’est implantée en ces lieux, ce n’est pas un hasard. Le sous-sol abritait un riche gisement d’argile de qualité, les forêts voisines fournissaient le bois pour alimenter les fours, et la nappe phréatique facilitait le façonnage de la terre.
Au départ, l’exploitation restait artisanale et saisonnière : en 1812, quatorze ouvriers n’y travaillaient qu’une centaine de jours par an. Mais en 1900, l’entrepreneur Étienne Boyer fonde une société qui transforme l’activité. Dès le début du siècle, une ligne de fours produit déjà près de 45 tonnes de tuiles et de briques par jour. Dans les années 1930, l’usine atteint son apogée : 320 ouvriers y sont employés et la production dépasse les 20 000 tonnes annuelles.
Dans les années 1960, les gisements s’épuisent, les installations vieillissent et les coûts de production s’envolent. En 1967, l’usine ferme définitivement ses portes.

Une histoire sociale et ouvrière

Aujourd’hui, ce passé ne s’efface pas. Des chercheurs bénévoles et des membres de l’association Les Amis du Patrimoine de Six-Fours et de ses environs recueillent les récits des anciens pour préserver la mémoire ouvrière. Comme le rappelle Claude Majastre, engagé depuis de nombreuses années :

Gérard Orsucci, Josyane Giaco-Tornato et Claude Majastre. Tous les trois luttent pour la conservation de la mémoire.

« Ce lieu n’est pas seulement une usine disparue. C’est une histoire sociale, ouvrière, humaine. Derrière les chiffres de production et les murs de briques, il y a des visages, des gestes, une communauté soudée. »

Les témoignages collectés racontent le quotidien d’une vie rude, mais marquée par une solidarité exceptionnelle. L’un d’eux se souvenait :

« À l’époque, il y avait beaucoup de fatalisme : lorsqu’on avait mal quelque part, on faisait avec et on retournait s’abîmer le lendemain. Ma mère avait toujours les mains douloureuses à cause de la chaleur du four et de la fraîcheur des locaux, car bon nombre de vitres étaient brisées. Elle se frottait constamment les mains. Lorsqu’elle nous embrassait le matin, elle avait déjà l’odeur de la tuile et de la sueur. »

La parole des ouvrières

Parmi ces voix, celle de Fernande Tornato occupe une place singulière. Ancienne employée des tuileries, elle avait confié ses souvenirs aux Amis du Patrimoine, retranscrits dans leur Cahier du Patrimoine Ouest Varois n°11 :

« La tuilerie était la seule activité qui embauchait. Ce n’était pas difficile, quelqu’un qui ne travaillait pas bien à l’école allait à l’usine. La loi disait qu’à 14 ans on pouvait y travailler. Les jeunes commençaient à « percer » puis à « brouetter ». (…) C’était vraiment un travail de forçat que l’on faisait… La poussière c’était notre élément, il fallait travailler en espadrilles car on ne pouvait pas supporter autre chose aux pieds. »

La transmission par les familles

À quelques pas de l’ancienne usine, Josyane Tornato, fille d’ouvrière, s’attache elle aussi à entretenir la mémoire. Chaque année, elle réunit les enfants d’anciens employés sous les bois de la Coudoulière.

« C’est tout un pan de l’histoire locale qui disparaîtrait si on n’y prend pas garde. J’aime me souvenir de ma mère, raconter son histoire, apprendre de nouvelles choses sur elle. »

Fernande Tornato, sa mère, incarne ce courage quotidien. Adolescente pendant la guerre, envoyée au chantier naval de La Seyne, elle cachait parfois du beurre dans ses poches pour nourrir les siens. À 17 ans, elle entre aux Tuileries comme brouetteuse, puis dérayonneuse. Levée à 6h30, elle n’arrêtait qu’une fois toutes ses tâches accomplies, avant de rejoindre ses enfants pour s’assurer qu’ils aient déjeuné et soient convenablement habillés. Le reste de sa journée se partageait entre couture et travaux des champs.

« Ma mère nous a toujours dit qu’on s’était faits seuls, mon frère et moi. Mais lorsque vous avez un modèle comme elle… comment voulez-vous pousser autrement que comme il le faut », conclut Josyane.

👉 Ce travail de mémoire mené par les associations locales et les chercheurs bénévoles fait revivre une histoire qui, sans eux, sombrerait dans l’oubli.

Pour les contacter, ici : https://histoire-six-fours.fr/

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De l’artisanat à l’industrie

Si la tuilerie s’est implantée en ces lieux, ce n’est pas un hasard. Le sous-sol abritait un riche gisement d’argile de qualité, les forêts voisines fournissaient le bois pour alimenter les fours, et la nappe phréatique facilitait le façonnage de la terre.
Au départ, l’exploitation restait artisanale et saisonnière : en 1812, quatorze ouvriers n’y travaillaient qu’une centaine de jours par an. Mais en 1900, l’entrepreneur Étienne Boyer fonde une société qui transforme l’activité. Dès le début du siècle, une ligne de fours produit déjà près de 45 tonnes de tuiles et de briques par jour. Dans les années 1930, l’usine atteint son apogée : 320 ouvriers y sont employés et la production dépasse les 20 000 tonnes annuelles.
Dans les années 1960, les gisements s’épuisent, les installations vieillissent et les coûts de production s’envolent. En 1967, l’usine ferme définitivement ses portes.

Une histoire sociale et ouvrière

Aujourd’hui, ce passé ne s’efface pas. Des chercheurs bénévoles et des membres de l’association Les Amis du Patrimoine de Six-Fours et de ses environs recueillent les récits des anciens pour préserver la mémoire ouvrière. Comme le rappelle Claude Majastre, engagé depuis de nombreuses années :

Gérard Orsucci, Josyane Giaco-Tornato et Claude Majastre. Tous les trois luttent pour la conservation de la mémoire.

« Ce lieu n’est pas seulement une usine disparue. C’est une histoire sociale, ouvrière, humaine. Derrière les chiffres de production et les murs de briques, il y a des visages, des gestes, une communauté soudée. »

Les témoignages collectés racontent le quotidien d’une vie rude, mais marquée par une solidarité exceptionnelle. L’un d’eux se souvenait :

« À l’époque, il y avait beaucoup de fatalisme : lorsqu’on avait mal quelque part, on faisait avec et on retournait s’abîmer le lendemain. Ma mère avait toujours les mains douloureuses à cause de la chaleur du four et de la fraîcheur des locaux, car bon nombre de vitres étaient brisées. Elle se frottait constamment les mains. Lorsqu’elle nous embrassait le matin, elle avait déjà l’odeur de la tuile et de la sueur. »

La parole des ouvrières

Parmi ces voix, celle de Fernande Tornato occupe une place singulière. Ancienne employée des tuileries, elle avait confié ses souvenirs aux Amis du Patrimoine, retranscrits dans leur Cahier du Patrimoine Ouest Varois n°11 :

« La tuilerie était la seule activité qui embauchait. Ce n’était pas difficile, quelqu’un qui ne travaillait pas bien à l’école allait à l’usine. La loi disait qu’à 14 ans on pouvait y travailler. Les jeunes commençaient à « percer » puis à « brouetter ». (…) C’était vraiment un travail de forçat que l’on faisait… La poussière c’était notre élément, il fallait travailler en espadrilles car on ne pouvait pas supporter autre chose aux pieds. »

La transmission par les familles

À quelques pas de l’ancienne usine, Josyane Tornato, fille d’ouvrière, s’attache elle aussi à entretenir la mémoire. Chaque année, elle réunit les enfants d’anciens employés sous les bois de la Coudoulière.

« C’est tout un pan de l’histoire locale qui disparaîtrait si on n’y prend pas garde. J’aime me souvenir de ma mère, raconter son histoire, apprendre de nouvelles choses sur elle. »

Fernande Tornato, sa mère, incarne ce courage quotidien. Adolescente pendant la guerre, envoyée au chantier naval de La Seyne, elle cachait parfois du beurre dans ses poches pour nourrir les siens. À 17 ans, elle entre aux Tuileries comme brouetteuse, puis dérayonneuse. Levée à 6h30, elle n’arrêtait qu’une fois toutes ses tâches accomplies, avant de rejoindre ses enfants pour s’assurer qu’ils aient déjeuné et soient convenablement habillés. Le reste de sa journée se partageait entre couture et travaux des champs.

« Ma mère nous a toujours dit qu’on s’était faits seuls, mon frère et moi. Mais lorsque vous avez un modèle comme elle… comment voulez-vous pousser autrement que comme il le faut », conclut Josyane.

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