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mercredi 4 juin 2025

Carrefour Market Six-Fours: « Les productions locales doivent revenir au centre de nos étals »

Lorsque le couperet est tombé ce 17 mars dernier et que le confinement a été décrété, la grande distribution dans son ensemble s’est retrouvée par la force des choses en première ligne. Il fallait alors assurer le service public de l’alimentation des Français mais aussi réfléchir au plus tôt à une nouvelle organisation afin de protéger l’ensemble du personnel et des clients. Dominique Morin dirige deux Carrefour Market: avenue de la mer à Six-Fours, et route des Sablettes. A l’année, il n’emploie pas moins de 70 personnes sur la commune. Rencontre avec cet homme, fils de petit commerçant, qui raconte cette crise, vécu de l’intérieur, de l’autre côté des caddies qui se bousculent à l’entrée des magasins.

Le Petit Varois.fr : Lorsqu’on est directeur d’une grande surface implantée non loin du cœur de ville et que tout à coup on se retrouve face à ce genre de situation complètement inédite, qu’elle est la première pensée qui vient à l’esprit?

Dominique Morin : « J’admets que j’ai eu le cœur serré. D’abord on pense à ses employés qu’il faut mettre à l’abri au plus tôt. On demande aux personnes fragiles de ne plus venir, d’autres souhaitent se mettre en retrait pour les enfants ou par peur, on accepte bien évidemment, sans jugement aucun. Et puis nous avons une clientèle fidèle que nous retrouvons quasiment toutes les semaines. On a beau être une grande surface, quand on est proche du cœur de ville, comme vous dîtes, on n’en reste pas moins un commerce de proximité. Alors dans nos premières pensées, il y a tous ces gens que nous croisons tous les jours. Comment est-ce-que les personnes âgées ou à mobilité réduite vont faire pour se rendre jusqu’à nous si elles n’ont pas de famille dans le coin ? Comment est-ce-que les producteurs et commerçants locaux vont survivre face à ces longues semaines sans activité ? Comment vont, au contraire, être vécues ces semaines très intenses qui attendent les soignants de la ville ? Nous avons mis toutes ces questions sur la table, et petit à petit nous avons essayé d’agir pour chacun d’entre eux. »

Le Petit Varois.fr : C’est une noble chose, mais pourquoi se surcharger du malheur des autres quand on a déjà tout à réorganiser chez soi en période de crise ? Par ailleurs, quelles sont les solutions qui ont été trouvées ?

Dominique Morin : « Déjà parce que je suis fils de petit commerçant, et que de ce fait je suis très sensible à la vie locale. Tous ceux qui travaillent de leurs mains, qui se lèvent très tôt le matin, je pense aux producteurs locaux, aux maraîchers, ils font un métier de passion ô combien difficile. Alors quand on a une structure un peu plus grande que celle des autres, il est de notre devoir de les favoriser. C’est de cette manière que nous avons proposé des blettes (et bientôt des tomates) de Six-Fours sur nos étals, mais aussi des coquillages, des huîtres, des moules de la famille Giol à Tamaris. Nous vendons également les produits des pécheurs de Bandol ,et nous nous approvisionnons dorénavant à Croc’olives aux Playes. De la même manière, lorsque nous avons eu besoin de faire installer du plexiglass autour de nos employés en caisse, nous avons sollicité les services de l’entreprise Arc-en-Ciel à Six-Fours. C’est une façon de produire du lien sur le territoire et puis surtout ça préserve des emplois, et parfois même on contribue, de la sorte, à en créer. »

Le Petit Varois.fr : Et pour les personnes isolées ou même les soignants, quelles sont les solutions que vous avez mis sur pied ?

Dominique Morin : « Nous avions un système de livraison à domicile en plus du Drive. Cela à été utile pour les personnes fragiles. Nous avons été très vite submergés de commandes. Dans ces cas-là, croyez bien que tous les codes sont bousculés.  Mon fils Valentin a passé de nombreuses matinées à faire des livraisons, il fallait aller au plus urgent. Pour les personnes isolées, de la même façon, c’est la municipalité qui a pris contact avec nous. Ils nous ont fait passer des listes de courses et certains élus sont même venus préparer des commandes. C’était vraiment un moment intense, l’effort était collectif ! Pour le reste, pour les personnes âgées qui ne souhaitaient pas utiliser ces services, les femmes enceintes, les soignants (…) nous avons ouvert les portes de nos magasins plus tôt afin qu’ils puissent venir faire leur course sans danger, et avec moins de monde dans la surface. Nous avons essayé de nous adapter au mieux à leurs besoins ! »

Le Petit Varois.fr : En vous suivant sur les réseaux sociaux, on a pu se rendre compte, que vous avez aussi fait des dons pour les soignants et les personnes en Ehpad ?

Dominique Morin : « S’il y a une chose que cette crise nous a bien démontré, c’est le désir de nos clients d’être solidaires dans l’adversité. De cette dame âgée qui est venue nous remettre, dès les premières heures de la crise, des masques confectionnées de ses mains pour les employés, à ces questions récurrentes : « Comment pouvons-nous aider ? ».  Nous avons finalement décidé de mettre un caddie à l’entrée du magasin. L’idée était simple, ceux qui le voulaient, pouvaient mettre du chocolat, du café, ce qu’ils souhaitaient pour les soignants. De notre côté nous avons ajouté des centaines de paquets de biscuits, des boissons chaudes (…) et nous avons apporté tout ça dans les hôpitaux. De la même façon pour les Ehpad ou les résidences autonomie, pour Pâques, les personnes âgées ont reçu des œufs en chocolat et des petites attentions. L’important, c’était de leur dire, vous êtes coupés du monde, mais vous n’êtes pas seuls. Nous sommes là et nous pensons à vous ».

Le Petit Varois.fr : La crise sanitaire a bouleversé les chaînes de production. Est-ce que cela se ressent encore aujourd’hui ?

Dominique Morin : « Oui, évidemment. De nombreuses entreprises qui produisent des denrées alimentaires se sont retrouvées à l’arrêt du jour au lendemain. C’était quelque chose de nouveau et d’improbable pour tout le monde. Aujourd’hui encore nous avons des fournisseurs qui préviennent, il va y avoir un passage à vide. Si vous ne trouvez plus certaines références en rayon, c’est que le produit n’existe pour le moment plus à l’échelle nationale. Notre travail, c’est de faire en sorte que le client puisse trouver un produit qui y ressemble. Nous mettons tout en œuvre pour qu’il y ait le moins de gêne possible, mais il va falloir être patient avant que les choses reviennent complètement à la normale dans les rayons. »

Le Petit Varois.fr : Maintenant que le confinement est, semble-t-il, derrière nous, pensez-vous qu’il y ait des leçons à tirer de cette crise ? 

Dominique Morin : « Il faut penser l’avenir différemment, c’est certain. D’abord, il faut faire un véritable effort au niveau de l’écologie. Nous étions déjà le premier magasin à avoir fait installer des bornes pour les voitures électriques sur notre parking, nous allons chercher encore de nouvelles idées pour accentuer ce tournant majeur. Evidemment, nous allons proposer toujours plus de productions locales. (…) Pour le reste, je ne pense pas que la crise sanitaire soit derrière nous, il y aura surement de nouvelles poussées. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’équiper nos caisses de plexiglass qui sépare entièrement les employés des clients. De cette façon chacun sera en sécurité. »

Le Petit Varois.fr : En parlant des caissières, mais aussi des employés de rayon, il semblerait que la société ait enfin réalisé l’importance de ces métiers…

Dominique Morin : « La Grande distribution a par habitude mauvaise presse. Pourtant, on a beau avoir « une grande surface », on n’en reste pas moins des commerçants. Pour ma part, je n’ai jamais douté de la noblesse de ces métiers. J’ai d’ailleurs pris la décision de verser à chacun de nos employés la prime COVID 19 suggérée par l’Etat. Il faut dire que les équipes étaient soudées pendant la crise. Lorsqu’il a fallu basculer en horaire de nuit pour remplir les rayons, les employés n’ont pas hésité à accepter ! Il y a eu une véritable cohésion et un effort collectif pour traverser au mieux cette crise. Sans parler du stress que tout un chacun a pu ressentir. Cette prime était une bonne idée, il fallait récompenser le dévouement, le courage. »

Le Petit Varois.fr : Pour finir, ces derniers mois ont été difficiles financièrement pour une partie de la population, est-ce qu’il y a une stratégie prévue par l’enseigne Carrefour pour contrer cela ?

Dominique Morin : « Je ne sais pas si on va pouvoir « contrer cela », mais cependant, effectivement, une stratégie a été mise en place à l’échelle nationale afin d’accompagner nos clients durant cette période qui peut s’avérer difficile. Depuis juin dernier, les prix de la marque Carrefour sont en baisse. Je crois que c’est la meilleure manière qui soit pour proposer à nos clients des produits de qualité tout en préservant leur pouvoir d’achat. C’est un moyen habile de rassurer la population tout en créant une relation de confiance. »

PHOTO PRISE AVANT LA CRISE SANITAIRE.
Dominique Morin au centre avec son épouse et une partie de son équipe.
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Carrefour Market Six-Fours: « Les productions locales doivent revenir au centre de nos étals »

Lorsque le couperet est tombé ce 17 mars dernier et que le confinement a été décrété, la grande distribution dans son ensemble s’est retrouvée par la force des choses en première ligne. Il fallait alors assurer le service public de l’alimentation des Français mais aussi réfléchir au plus tôt à une nouvelle organisation afin de protéger l’ensemble du personnel et des clients. Dominique Morin dirige deux Carrefour Market: avenue de la mer à Six-Fours, et route des Sablettes. A l’année, il n’emploie pas moins de 70 personnes sur la commune. Rencontre avec cet homme, fils de petit commerçant, qui raconte cette crise, vécu de l’intérieur, de l’autre côté des caddies qui se bousculent à l’entrée des magasins.

Le Petit Varois.fr : Lorsqu’on est directeur d’une grande surface implantée non loin du cœur de ville et que tout à coup on se retrouve face à ce genre de situation complètement inédite, qu’elle est la première pensée qui vient à l’esprit?

Dominique Morin : « J’admets que j’ai eu le cœur serré. D’abord on pense à ses employés qu’il faut mettre à l’abri au plus tôt. On demande aux personnes fragiles de ne plus venir, d’autres souhaitent se mettre en retrait pour les enfants ou par peur, on accepte bien évidemment, sans jugement aucun. Et puis nous avons une clientèle fidèle que nous retrouvons quasiment toutes les semaines. On a beau être une grande surface, quand on est proche du cœur de ville, comme vous dîtes, on n’en reste pas moins un commerce de proximité. Alors dans nos premières pensées, il y a tous ces gens que nous croisons tous les jours. Comment est-ce-que les personnes âgées ou à mobilité réduite vont faire pour se rendre jusqu’à nous si elles n’ont pas de famille dans le coin ? Comment est-ce-que les producteurs et commerçants locaux vont survivre face à ces longues semaines sans activité ? Comment vont, au contraire, être vécues ces semaines très intenses qui attendent les soignants de la ville ? Nous avons mis toutes ces questions sur la table, et petit à petit nous avons essayé d’agir pour chacun d’entre eux. »

Le Petit Varois.fr : C’est une noble chose, mais pourquoi se surcharger du malheur des autres quand on a déjà tout à réorganiser chez soi en période de crise ? Par ailleurs, quelles sont les solutions qui ont été trouvées ?

Dominique Morin : « Déjà parce que je suis fils de petit commerçant, et que de ce fait je suis très sensible à la vie locale. Tous ceux qui travaillent de leurs mains, qui se lèvent très tôt le matin, je pense aux producteurs locaux, aux maraîchers, ils font un métier de passion ô combien difficile. Alors quand on a une structure un peu plus grande que celle des autres, il est de notre devoir de les favoriser. C’est de cette manière que nous avons proposé des blettes (et bientôt des tomates) de Six-Fours sur nos étals, mais aussi des coquillages, des huîtres, des moules de la famille Giol à Tamaris. Nous vendons également les produits des pécheurs de Bandol ,et nous nous approvisionnons dorénavant à Croc’olives aux Playes. De la même manière, lorsque nous avons eu besoin de faire installer du plexiglass autour de nos employés en caisse, nous avons sollicité les services de l’entreprise Arc-en-Ciel à Six-Fours. C’est une façon de produire du lien sur le territoire et puis surtout ça préserve des emplois, et parfois même on contribue, de la sorte, à en créer. »

Le Petit Varois.fr : Et pour les personnes isolées ou même les soignants, quelles sont les solutions que vous avez mis sur pied ?

Dominique Morin : « Nous avions un système de livraison à domicile en plus du Drive. Cela à été utile pour les personnes fragiles. Nous avons été très vite submergés de commandes. Dans ces cas-là, croyez bien que tous les codes sont bousculés.  Mon fils Valentin a passé de nombreuses matinées à faire des livraisons, il fallait aller au plus urgent. Pour les personnes isolées, de la même façon, c’est la municipalité qui a pris contact avec nous. Ils nous ont fait passer des listes de courses et certains élus sont même venus préparer des commandes. C’était vraiment un moment intense, l’effort était collectif ! Pour le reste, pour les personnes âgées qui ne souhaitaient pas utiliser ces services, les femmes enceintes, les soignants (…) nous avons ouvert les portes de nos magasins plus tôt afin qu’ils puissent venir faire leur course sans danger, et avec moins de monde dans la surface. Nous avons essayé de nous adapter au mieux à leurs besoins ! »

Le Petit Varois.fr : En vous suivant sur les réseaux sociaux, on a pu se rendre compte, que vous avez aussi fait des dons pour les soignants et les personnes en Ehpad ?

Dominique Morin : « S’il y a une chose que cette crise nous a bien démontré, c’est le désir de nos clients d’être solidaires dans l’adversité. De cette dame âgée qui est venue nous remettre, dès les premières heures de la crise, des masques confectionnées de ses mains pour les employés, à ces questions récurrentes : « Comment pouvons-nous aider ? ».  Nous avons finalement décidé de mettre un caddie à l’entrée du magasin. L’idée était simple, ceux qui le voulaient, pouvaient mettre du chocolat, du café, ce qu’ils souhaitaient pour les soignants. De notre côté nous avons ajouté des centaines de paquets de biscuits, des boissons chaudes (…) et nous avons apporté tout ça dans les hôpitaux. De la même façon pour les Ehpad ou les résidences autonomie, pour Pâques, les personnes âgées ont reçu des œufs en chocolat et des petites attentions. L’important, c’était de leur dire, vous êtes coupés du monde, mais vous n’êtes pas seuls. Nous sommes là et nous pensons à vous ».

Le Petit Varois.fr : La crise sanitaire a bouleversé les chaînes de production. Est-ce que cela se ressent encore aujourd’hui ?

Dominique Morin : « Oui, évidemment. De nombreuses entreprises qui produisent des denrées alimentaires se sont retrouvées à l’arrêt du jour au lendemain. C’était quelque chose de nouveau et d’improbable pour tout le monde. Aujourd’hui encore nous avons des fournisseurs qui préviennent, il va y avoir un passage à vide. Si vous ne trouvez plus certaines références en rayon, c’est que le produit n’existe pour le moment plus à l’échelle nationale. Notre travail, c’est de faire en sorte que le client puisse trouver un produit qui y ressemble. Nous mettons tout en œuvre pour qu’il y ait le moins de gêne possible, mais il va falloir être patient avant que les choses reviennent complètement à la normale dans les rayons. »

Le Petit Varois.fr : Maintenant que le confinement est, semble-t-il, derrière nous, pensez-vous qu’il y ait des leçons à tirer de cette crise ? 

Dominique Morin : « Il faut penser l’avenir différemment, c’est certain. D’abord, il faut faire un véritable effort au niveau de l’écologie. Nous étions déjà le premier magasin à avoir fait installer des bornes pour les voitures électriques sur notre parking, nous allons chercher encore de nouvelles idées pour accentuer ce tournant majeur. Evidemment, nous allons proposer toujours plus de productions locales. (…) Pour le reste, je ne pense pas que la crise sanitaire soit derrière nous, il y aura surement de nouvelles poussées. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’équiper nos caisses de plexiglass qui sépare entièrement les employés des clients. De cette façon chacun sera en sécurité. »

Le Petit Varois.fr : En parlant des caissières, mais aussi des employés de rayon, il semblerait que la société ait enfin réalisé l’importance de ces métiers…

Dominique Morin : « La Grande distribution a par habitude mauvaise presse. Pourtant, on a beau avoir « une grande surface », on n’en reste pas moins des commerçants. Pour ma part, je n’ai jamais douté de la noblesse de ces métiers. J’ai d’ailleurs pris la décision de verser à chacun de nos employés la prime COVID 19 suggérée par l’Etat. Il faut dire que les équipes étaient soudées pendant la crise. Lorsqu’il a fallu basculer en horaire de nuit pour remplir les rayons, les employés n’ont pas hésité à accepter ! Il y a eu une véritable cohésion et un effort collectif pour traverser au mieux cette crise. Sans parler du stress que tout un chacun a pu ressentir. Cette prime était une bonne idée, il fallait récompenser le dévouement, le courage. »

Le Petit Varois.fr : Pour finir, ces derniers mois ont été difficiles financièrement pour une partie de la population, est-ce qu’il y a une stratégie prévue par l’enseigne Carrefour pour contrer cela ?

Dominique Morin : « Je ne sais pas si on va pouvoir « contrer cela », mais cependant, effectivement, une stratégie a été mise en place à l’échelle nationale afin d’accompagner nos clients durant cette période qui peut s’avérer difficile. Depuis juin dernier, les prix de la marque Carrefour sont en baisse. Je crois que c’est la meilleure manière qui soit pour proposer à nos clients des produits de qualité tout en préservant leur pouvoir d’achat. C’est un moyen habile de rassurer la population tout en créant une relation de confiance. »

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Le Petit Varois.fr : Lorsqu’on est directeur d’une grande surface implantée non loin du cœur de ville et que tout à coup on se retrouve face à ce genre de situation complètement inédite, qu’elle est la première pensée qui vient à l’esprit?

Dominique Morin : « J’admets que j’ai eu le cœur serré. D’abord on pense à ses employés qu’il faut mettre à l’abri au plus tôt. On demande aux personnes fragiles de ne plus venir, d’autres souhaitent se mettre en retrait pour les enfants ou par peur, on accepte bien évidemment, sans jugement aucun. Et puis nous avons une clientèle fidèle que nous retrouvons quasiment toutes les semaines. On a beau être une grande surface, quand on est proche du cœur de ville, comme vous dîtes, on n’en reste pas moins un commerce de proximité. Alors dans nos premières pensées, il y a tous ces gens que nous croisons tous les jours. Comment est-ce-que les personnes âgées ou à mobilité réduite vont faire pour se rendre jusqu’à nous si elles n’ont pas de famille dans le coin ? Comment est-ce-que les producteurs et commerçants locaux vont survivre face à ces longues semaines sans activité ? Comment vont, au contraire, être vécues ces semaines très intenses qui attendent les soignants de la ville ? Nous avons mis toutes ces questions sur la table, et petit à petit nous avons essayé d’agir pour chacun d’entre eux. »

Le Petit Varois.fr : C’est une noble chose, mais pourquoi se surcharger du malheur des autres quand on a déjà tout à réorganiser chez soi en période de crise ? Par ailleurs, quelles sont les solutions qui ont été trouvées ?

Dominique Morin : « Déjà parce que je suis fils de petit commerçant, et que de ce fait je suis très sensible à la vie locale. Tous ceux qui travaillent de leurs mains, qui se lèvent très tôt le matin, je pense aux producteurs locaux, aux maraîchers, ils font un métier de passion ô combien difficile. Alors quand on a une structure un peu plus grande que celle des autres, il est de notre devoir de les favoriser. C’est de cette manière que nous avons proposé des blettes (et bientôt des tomates) de Six-Fours sur nos étals, mais aussi des coquillages, des huîtres, des moules de la famille Giol à Tamaris. Nous vendons également les produits des pécheurs de Bandol ,et nous nous approvisionnons dorénavant à Croc’olives aux Playes. De la même manière, lorsque nous avons eu besoin de faire installer du plexiglass autour de nos employés en caisse, nous avons sollicité les services de l’entreprise Arc-en-Ciel à Six-Fours. C’est une façon de produire du lien sur le territoire et puis surtout ça préserve des emplois, et parfois même on contribue, de la sorte, à en créer. »

Le Petit Varois.fr : Et pour les personnes isolées ou même les soignants, quelles sont les solutions que vous avez mis sur pied ?

Dominique Morin : « Nous avions un système de livraison à domicile en plus du Drive. Cela à été utile pour les personnes fragiles. Nous avons été très vite submergés de commandes. Dans ces cas-là, croyez bien que tous les codes sont bousculés.  Mon fils Valentin a passé de nombreuses matinées à faire des livraisons, il fallait aller au plus urgent. Pour les personnes isolées, de la même façon, c’est la municipalité qui a pris contact avec nous. Ils nous ont fait passer des listes de courses et certains élus sont même venus préparer des commandes. C’était vraiment un moment intense, l’effort était collectif ! Pour le reste, pour les personnes âgées qui ne souhaitaient pas utiliser ces services, les femmes enceintes, les soignants (…) nous avons ouvert les portes de nos magasins plus tôt afin qu’ils puissent venir faire leur course sans danger, et avec moins de monde dans la surface. Nous avons essayé de nous adapter au mieux à leurs besoins ! »

Le Petit Varois.fr : En vous suivant sur les réseaux sociaux, on a pu se rendre compte, que vous avez aussi fait des dons pour les soignants et les personnes en Ehpad ?

Dominique Morin : « S’il y a une chose que cette crise nous a bien démontré, c’est le désir de nos clients d’être solidaires dans l’adversité. De cette dame âgée qui est venue nous remettre, dès les premières heures de la crise, des masques confectionnées de ses mains pour les employés, à ces questions récurrentes : « Comment pouvons-nous aider ? ».  Nous avons finalement décidé de mettre un caddie à l’entrée du magasin. L’idée était simple, ceux qui le voulaient, pouvaient mettre du chocolat, du café, ce qu’ils souhaitaient pour les soignants. De notre côté nous avons ajouté des centaines de paquets de biscuits, des boissons chaudes (…) et nous avons apporté tout ça dans les hôpitaux. De la même façon pour les Ehpad ou les résidences autonomie, pour Pâques, les personnes âgées ont reçu des œufs en chocolat et des petites attentions. L’important, c’était de leur dire, vous êtes coupés du monde, mais vous n’êtes pas seuls. Nous sommes là et nous pensons à vous ».

Le Petit Varois.fr : La crise sanitaire a bouleversé les chaînes de production. Est-ce que cela se ressent encore aujourd’hui ?

Dominique Morin : « Oui, évidemment. De nombreuses entreprises qui produisent des denrées alimentaires se sont retrouvées à l’arrêt du jour au lendemain. C’était quelque chose de nouveau et d’improbable pour tout le monde. Aujourd’hui encore nous avons des fournisseurs qui préviennent, il va y avoir un passage à vide. Si vous ne trouvez plus certaines références en rayon, c’est que le produit n’existe pour le moment plus à l’échelle nationale. Notre travail, c’est de faire en sorte que le client puisse trouver un produit qui y ressemble. Nous mettons tout en œuvre pour qu’il y ait le moins de gêne possible, mais il va falloir être patient avant que les choses reviennent complètement à la normale dans les rayons. »

Le Petit Varois.fr : Maintenant que le confinement est, semble-t-il, derrière nous, pensez-vous qu’il y ait des leçons à tirer de cette crise ? 

Dominique Morin : « Il faut penser l’avenir différemment, c’est certain. D’abord, il faut faire un véritable effort au niveau de l’écologie. Nous étions déjà le premier magasin à avoir fait installer des bornes pour les voitures électriques sur notre parking, nous allons chercher encore de nouvelles idées pour accentuer ce tournant majeur. Evidemment, nous allons proposer toujours plus de productions locales. (…) Pour le reste, je ne pense pas que la crise sanitaire soit derrière nous, il y aura surement de nouvelles poussées. C’est pour cette raison que nous avons décidé d’équiper nos caisses de plexiglass qui sépare entièrement les employés des clients. De cette façon chacun sera en sécurité. »

Le Petit Varois.fr : En parlant des caissières, mais aussi des employés de rayon, il semblerait que la société ait enfin réalisé l’importance de ces métiers…

Dominique Morin : « La Grande distribution a par habitude mauvaise presse. Pourtant, on a beau avoir « une grande surface », on n’en reste pas moins des commerçants. Pour ma part, je n’ai jamais douté de la noblesse de ces métiers. J’ai d’ailleurs pris la décision de verser à chacun de nos employés la prime COVID 19 suggérée par l’Etat. Il faut dire que les équipes étaient soudées pendant la crise. Lorsqu’il a fallu basculer en horaire de nuit pour remplir les rayons, les employés n’ont pas hésité à accepter ! Il y a eu une véritable cohésion et un effort collectif pour traverser au mieux cette crise. Sans parler du stress que tout un chacun a pu ressentir. Cette prime était une bonne idée, il fallait récompenser le dévouement, le courage. »

Le Petit Varois.fr : Pour finir, ces derniers mois ont été difficiles financièrement pour une partie de la population, est-ce qu’il y a une stratégie prévue par l’enseigne Carrefour pour contrer cela ?

Dominique Morin : « Je ne sais pas si on va pouvoir « contrer cela », mais cependant, effectivement, une stratégie a été mise en place à l’échelle nationale afin d’accompagner nos clients durant cette période qui peut s’avérer difficile. Depuis juin dernier, les prix de la marque Carrefour sont en baisse. Je crois que c’est la meilleure manière qui soit pour proposer à nos clients des produits de qualité tout en préservant leur pouvoir d’achat. C’est un moyen habile de rassurer la population tout en créant une relation de confiance. »

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