Depuis plus de vingt ans, l’association Lou Capian protège, répare et fait naviguer les pointus et les bettes traditionnels dans la lagune du Brusc. Ce petit coin paisible, classé Natura 2000, abrite l’un des derniers sanctuaires vivants du patrimoine maritime provençal.

Un combat mené sur l’eau, contre l’oubli.
Née au début des années 2000, l’association a vu le jour dans l’urgence. L’interdiction du mouillage sauvage menaçait directement l’existence de ces bateaux centenaires, impossibles à sortir de l’eau sans risquer qu’ils ne se fendent ou pourrissent à l’air libre. Grâce à une mobilisation locale exemplaire, Lou Capian a obtenu une autorisation d’occupation temporaire (AOT), renouvelable tous les quinze ans — un sésame vital pour la survie de ces embarcations.
Des bateaux qui font battre le cœur du Brusc.
Avec ses plus de 80 membres passionnés, Lou Capian n’entretient pas seulement des coques en bois : elle maintient vivante une mémoire, un art de vivre, un pan d’identité locale. « Tous les jours, il y a des photographes, des peintres, des promeneurs qui s’arrêtent devant ces bateaux », confie Didier Sophin, président de l’association. « Ils ne sont pas là pour décorer. Ils incarnent la Provence. Ce sont eux, notre carte postale. »
Derrière chaque pointu, une histoire.
Un grand-père qui l’a transmis à son petit-fils. Une famille qui le restaure chaque été. Un pêcheur qui y retourne encore à l’aube. Les pointus ne sont pas anonymes : ils sont les héritiers des récits familiaux, des gestes appris à bord, des voix qui refusent que le bois se taise. « Choisir un pointu plutôt qu’un bateau en plastique, c’est préférer l’âme à l’efficacité », glisse un membre.
Lou Capian, passeur de mémoire.
L’association ne se contente pas de préserver : elle transmet. Toute l’année, des scolaires embarquent pour une balade dans la baie. Ils écoutent les anciens raconter les vents, les poissons, les tempêtes, les mots en patois. Et chaque été, à la fête des Pointus (le 5 juillet) ou lors des Journées du Patrimoine, c’est le grand public qui est invité à monter à bord.
Un patrimoine qui voyage.
Lou Capian accueille aussi des bateaux venus d’ailleurs, comme le Notre-Dame du Mont Carmel, ancienne barque marseillaise, sauvée de la destruction grâce à la mobilisation de passionnés. Chaque restauration est une renaissance, chaque bateau une victoire contre l’oubli.
« Ici, il y a de la vie », résume un adhérent. « Mes enfants étaient sur un pointu avant même d’apprendre à marcher sur la terre ferme. »
À Lou Capian, on ne collectionne pas les souvenirs : on les fait voguer.
Infos : Loucapian.com ou Instagram @loucapian
Notre-Dame du Mont Carmel : un siècle d’histoire sauvé des eaux :

La Notre-Dame du Mont Carmel, barque emblématique de Marseille, a retrouvé tout son éclat après plusieurs années de restauration minutieuse. Construite en 1910 sur le chantier naval Nendella pour des pêcheurs siciliens, cette embarcation de 8,50 mètres a connu plusieurs vies : bateau de pêche, transport de sable, puis cabotage d’huîtres.
Un trésor abandonné, presque condamné.
Lorsque le bateau a changé de propriétaire, personne ne voulait s’en charger. Trop abîmé, trop coûteux à restaurer. Mais en 2020, l’ancien secrétaire du club décide d’en faire don à l’association Lou Capian, qui, après un vote de ses membres, accepte de relever le défi. Un pari osé pour sauver un géant de bois, mémoire vivante de la Méditerranée.
Un chantier collectif, un moteur d’avenir.
La renaissance du bateau s’est jouée à plusieurs mains. Des bénévoles passionnés, les élèves du lycée professionnel de La Coudoulière – qui ont remis en état son moteur Baudouin D106 3 –, et des soutiens institutionnels : Ville, Département, Région ont cofinancé le projet, accompagnés de dons privés et des recettes d’événements organisés par l’association. Montant total : 40 000 euros.
Un navire pour transmettre, pas pour exposer.
Désormais prêt à naviguer, la Notre-Dame du Mont Carmel s’apprête à reprendre la mer. Elle participera aux grandes fêtes maritimes, accueillera des classes à bord pour des projets pédagogiques, et portera les couleurs du Brusc dans les rassemblements nautiques régionaux.
« C’est un morceau de mémoire que l’on sauve, un lien entre les générations », souligne Didier Sophin, président de Lou Capian.