Une terre ancienne, un héritage vivant
Nicole vit sur des terres que sa famille occupe, dit-on, depuis l’époque du « bon roi René». Une ancienneté qui se ressent immédiatement. Ici, la tradition ne se revendique pas : elle se transmet. Derrière la parcelle autrefois cultivée par ses parents agriculteurs, après le passage des poules, un ancien hangar agricole se dresse encore. Un lieu discret, longtemps voué aux outils des champs, devenu aujourd’hui l’écrin d’une crèche monumentale.
Une œuvre patiente, façonnée à quatre mains
Derrière la porte, c’est toute une Provence miniature qui se dévoile. Un paysage foisonnant, minutieusement pensé et composé par Nicole, avec l’aide constante de Bruno, son ami, soutien des travaux manuels et du quotidien. « La crèche a d’abord pris place dans le salon, puis dans la véranda, avant de s’installer ici », raconte-t-il. Le hangar, autrefois utilitaire, s’est transformé en décor à part entière. Les désaccords n’ont pas manqué, reconnaissent-ils en souriant, mais aujourd’hui, le dialogue est fluide, presque instinctif.
Le rituel des santons
Cette année, décors et plafond ont été posés dès le 15 octobre. Les santons, eux, n’ont nécessité qu’une semaine. Un geste maîtrisé, presque cérémonial. Car pour Nicole, les santons relèvent de l’évidence familiale. « Ma mère faisait une crèche chaque année. Mon grand-père possédait une collection impressionnante. » Certains santons exposés ici dépassent aujourd’hui le siècle d’existence.
Un Noël partagé, mais sans concession
La crèche est devenue, au fil du temps, un rendez-vous attendu. Les connaissances appellent, viennent en famille, accompagnées d’enfants émerveillés. Les fidèles de la chapelle de Pépiole sollicitent eux aussi l’ouverture du hangar. Nicole accepte, avec Bruno, de dévoiler ce patrimoine intime. Mais une règle demeure intangible : aucun santon contemporain. Ici, la crèche se veut fidèle à une Provence intemporelle, peuplée de métiers anciens, de gestes transmis et de légendes silencieuses.

Une tragédie devenue mémoire :

Au cœur de la crèche, une petite maison aux volets vert pâle attire invariablement le regard. À sa fenêtre, une femme miniature semble attendre. Ce décor s’inspire d’une bâtisse bien réelle, frappée par la foudre au siècle dernier, provoquant la mort d’un couple. On racontait que la femme guettait chaque soir le retour de son mari pêcheur. Après le drame, les enfants murèrent les ouvertures et conservèrent la maison dans la famille. Émus par cette histoire, des santonniers continuèrent à reproduire la demeure. Si la maison a aujourd’hui disparu du paysage, remplacée par un commerce, sa mémoire survit dans les crèches provençales… et chez Nicole.
Les trésors d’une lignée :
Parmi les figurines, certaines portent plus d’un siècle d’histoire. Issues de la collection de son grand-père, né en 1904, elles ont été peintes à la main par un santonnier d’Aubagne, dont il était le filleul. Chaque Noël, un nouveau santon venait enrichir la collection. Transmis de génération en génération, ces témoins fragiles ont traversé le temps sans perdre leur âme. « Seule la couleur s’est un peu adoucie », confie Nicole. Un patrimoine discret, mais vivant.














