Depuis quelques jours, l’Espace Jules de Greling vibre au son singulier des percussions. Le foyer des Amis des Playes et de la Reppe y propose une exposition originale intitulée « De l’Empire à aujourd’hui », entièrement consacrée au tambour. Plus de trente instruments, venus de France, d’Allemagne, d’Angleterre, de Belgique, du Maroc ou encore de l’ex-URSS, y racontent le destin hors norme de cet objet à la fois militaire, pédagogique et festif.
Quand la passion devient patrimoine
À l’origine de cette présentation se trouve Christian Koenig, musicien et pédagogue. Pendant des décennies, il a enseigné la batterie, cet héritier direct du tambour militaire. Mais transmettre une technique sans rappeler l’histoire lui semblait impensable :
« Je voulais qu’ils comprennent que chaque rythme est porteur de siècles de traditions. C’était aussi une manière de capter leur attention et de les intéresser »,
explique-t-il.
C’est de cette volonté qu’est née une véritable collection, patiemment rassemblée au fil des années.
De Napoléon aux années 1970
Le parcours proposé plonge le visiteur dans l’Histoire. Sous le Premier Empire, les tambours servaient à transmettre les ordres au cœur des batailles. Au Second Empire, les instruments richement décorés aux emblèmes impériaux symbolisaient la puissance des régiments. Le poids de certaines caisses – près de vingt kilos – continue d’impressionner : « Des musiciens actuels ont essayé de les porter. Ils ont vite réalisé l’endurance nécessaire aux soldats d’alors », sourit Christian.
L’exposition déroule ensuite le fil du temps : des tambours plus légers des pionniers soviétiques aux modèles chromés des années 1970, devenus populaires jusque dans les studios d’enregistrement fréquentés par des artistes comme Florent Pagny.
Le relais de la jeune génération
Depuis l’âge de 6 ans, Valentin Calussi vit au rythme des percussions. La batterie, d’abord, qu’il choisit enfant « pour se défouler », se souvient-il. Pour suivre sa passion sans grever le budget familial, il s’est inscrit dans des associations musicales. La règle était simple : en échange des cours, les jeunes musiciens devaient participer aux cérémonies patriotiques. Valentin se prête au jeu, tambour en bandoulière. « Même si on était encore dans les bases de l’apprentissage, le fait d’être présents avait de la valeur. Et pour nous, ça nous transmettait quelque chose aussi », confie-t-il.
C’est aux côtés de Christian Koenig qu’il découvre l’histoire du tambour, son rôle de cadence et de symbole dans l’armée comme dans la société. Peu à peu, le jeune batteur s’est laissé happer par cette mémoire sonore. Aujourd’hui, à un peu plus de vingt ans, il n’est pas seulement musicien : il est devenu un joueur de tambour, héritier enthousiaste d’une tradition séculaire qu’il contribue à faire résonner à son tour. Un rappel qu’un apprentissage passionné peut transmettre bien plus que des techniques : un véritable chemin de vie.
Une histoire transmise de père en fils
Au-delà des vitrines, cette passion relève aussi d’une mémoire familiale. Le père de Christian, trompettiste, fut tambour-major dans le corps des tirailleurs marocains, toujours accompagné d’un mouton, mascotte insolite du régiment.
« Pour un enfant, ce genre d’image reste gravée. J’ai grandi avec l’idée que le tambour représentait bien plus qu’un instrument : un signe de fierté et de cohésion », confie-t-il.
De son père aux jeunes élèves qu’il a formés, Christian Koenig perpétue ainsi une tradition où chaque génération reprend la cadence. L’inauguration de l’exposition s’est d’ailleurs conclue par une démonstration publique au Brusc, réunissant plusieurs de ses anciens élèves pour un moment à la fois sonore et émouvant.
Jusqu’au 26 octobre, à l’espace Jules de Greling.