« En dix ans, le monde a basculé. » C’est ainsi que commence le dernier ouvrage de François Hollande intitulé Bouleversements. Pour comprendre la nouvelle donne mondiale. Dans les quelques deux cents pages qui suivent, l’ancien président de la République dévoile les coulisses du pouvoir et les enjeux d’un équilibre mondial en pleine mutation.
Invité à la Maison du Patrimoine, à Six-Fours, par le Comité de Liaison des Associations Bruscaines, l’homme politique a livré réflexions et anecdotes issues de son mandat au gré des questions d’un journaliste et du public afin de mettre la géopolitique à la portée de tous. Cet acte de témoignage est selon lui « un devoir ». Loin « de toute vanité », celui qui a dirigé la politique française pendant cinq années a rencontré les partenaires et les adversaires de notre pays. Il estime, de ce fait, qu’il est aujourd’hui de sa responsabilité d’offrir son diagnostique éclairé.
Vladimir Poutine, ce nouvel ennemi.
Ce témoin privilégié ne tarde d’ailleurs pas à prévenir le public qu’au lendemain de son élection en 2012, il rencontrait, à la demande de son invité, Vladimir Poutine en tête à tête. « Il y a des rencontres qui sont des révélations ». L’homme d’Etat Russe dessine alors sur un papier des pays et des petits cercles qui indiquent l’emplacement des missiles de l’OTAN braqués, dit-il, sur son pays. « La rhétorique était déjà là, dix ans auparavant. » François Hollande objecte : « ce sont des équipements défensifs » mais le nouveau président en fonction comprend que la visite a été décidée dans le but « d’impressionner et de lancer un avertissement ». À la foule, il confie d’ailleurs : « Je n’ai jamais cru à une quelconque folie de sa part, ce genre de spéculation occulte l’essentiel. »
Le retour de l’atome.
Plus tard, il nous confiera pourtant en entretien ne pas craindre une attaque nucléaire provenant de la Russie. « Poutine connaît parfaitement les règles de la dissuasion. Aussi perfectionné soit son nouvel arsenal, son utilisation (…) appellerait une réaction du même niveau et de la même intensité destructrice de la part des Etats-Unis. » Pourtant, il concède « le retour de la peur de l’atome » car de son avis, si le risque existe, il est sans nul doute du côté de l’Iran qui essaie de se munir de l’arme atomique depuis des décennies. « Je n’ai pas d’hésitation là-dessus. Ce scénario aboutirait à des bombardements préventifs menés par l’aviation israélienne contre les installations iraniennes. » Le danger semble donc ailleurs du lieu où regarde la foule.
Guerre en Ukraine, réchauffement climatique, montée en puissance du souverainisme, retour du protectionnisme, étiolement des démocraties, de nombreux sujets ont été abordés. Tous combinés, ils attestent d’un fait, selon l’ancien chef d’Etat : « le monde d’aujourd’hui est plus dangereux qu’il y a dix ans ».
Emmanuel Macron : une erreur de stratégie.
François Hollande poursuit et entame un dialogue avec le public. Dans les quelques 160 personnes présentes, l’une aborde l’incident de l’ouverture de la Coupe du Monde de Rugby qui s’est déroulé il y a quelques jours. Pendant la cérémonie, Emmanuel Macron s’était fait chahuter en apparaissant sur la pelouse du stade de France. « Se présenter face à un stade est un exercice complexe, commente l’ancien chef d’Etat, Il n’y a rien de plus anonyme qu’une foule et les émotions sont vite galvanisées. Il y avait là une erreur de stratégie. On ne m’y aurait pas pris. Sur le fait, mon avis est qu’on ne peut jamais être satisfait de voir un Président de la République sifflé de la sorte, qui plus est, devant les télévisions du monde entier. Il faut le savoir, aujourd’hui avec l’avènement d’internet et des réseaux sociaux, la propagande n’est plus seulement : regardez comme on vit bien chez nous. C’est aussi, regardez comme ils vivent mal chez eux. »
Après l’échange, François Hollande s’est prêté au jeu de la séance de dédicaces de son ouvrage et a accepté de prendre des photos avec le public.