Sous l’égide de l’Association des Amis de La Seyne Ancienne et Moderne, Jean-Claude Autran et Marc Quiviger ont guidé une visite du cimetière central. Les participants ont arpenté les allées de ce lieu de recueillement, découvrant à quel point ces pierres muettes reflètent l’histoire et le quotidien des Seynois à travers les siècles.
Des églises aux cimetières publics
Jusqu’au XVIIIᵉ siècle, les sépultures se faisaient dans ou autour des églises. Mais en 1776, Louis XVI interdit cette pratique jugée nocive pour la santé publique. Quelques décennies plus tard, Napoléon Ier imposa par décret la création de cimetières hors des villes pour prévenir les épidémies. C’est ainsi qu’est né le cimetière central de La Seyne. Initialement limité à 4 000 m², il a connu cinq agrandissements successifs pour atteindre aujourd’hui près de sept hectares.
« Les cimetières constituent de véritables archives pour les historiens et archéologues. Ils révèlent l’organisation sociale, les épidémies, les grands événements », a souligné Jean-Claude Autran.
Quand être maire de la Seyne use le cœur
La visite s’est d’abord arrêtée devant les sépultures des anciens maires. Un constat frappant : plusieurs d’entre eux ont été victimes de maladies cardiaques.
Baptistin Paul, maire durant la Première Guerre mondiale, eut la lourde mission d’annoncer chaque décès de soldat aux familles. Défenseur des ouvriers des chantiers navals, il monta à Paris en 1919 pour plaider leur cause auprès de Clemenceau. Les débats houleux lui coûtèrent la vie : il succomba à une crise cardiaque.
Quelques décennies plus tard, Toussaint Merle, premier magistrat de 1947 à 1969, connu pour son tempérament anxieux et colérique, fut lui aussi emporté par un malaise cardiaque alors qu’il se rendait à son bureau.
Des monuments qui racontent l’histoire
Les allées du cimetière recèlent de nombreux témoignages de la mémoire collective.
Un obélisque rappelle le passage du président Sadi Carnot, assassiné peu après sa visite. Touchés par sa venue, les Seynois élevèrent ce monument en souvenir.
Une autre stèle rend hommage aux victimes des cinq bombardements qui ont frappé la ville, faisant environ 250 morts. Parmi les noms figure celui de Paul Henri, un nourrisson de quatorze mois tué lors de l’attaque du 29 avril 1944.
Le choléra de 1865 a lui aussi laissé une trace : un obélisque initialement dressé place Martel-Esprit fut déplacé trente ans plus tard dans le cimetière, afin que les fêtes de quartier n’aient pas lieu autour d’un monument funéraire.
Le carré russe, mémoire de la Grande Guerre :
Dans un espace particulier, 72 croix blanches rappellent le destin de soldats russes morts à La Seyne pendant la Première Guerre mondiale. Blessés ou malades, ils furent soignés dans un hôpital provisoire installé chez les Maristes. Mais en 1917, la Révolution divisa même ce lieu, entre fidèles du tsar et partisans des idées nouvelles. Leurs sépultures continuent d’être entretenues par l’État français.
La légende de Rose Marguerite
Parfois, l’histoire locale flirte avec la légende. C’est le cas de Rose Marguerite de Vallavieille.
En 1774, elle s’étouffa avec un noyau d’abricot et fut déclarée morte. Enterrée avec ses bijoux, elle revint pourtant à la vie quand un fossoyeur tenta de lui ôter son collier : le noyau jaillit et elle reprit souffle. Enceinte, elle mit au monde un enfant sept mois plus tard, que l’on disait « mort avant de naître » tant son histoire fascinait les Seynois.
À sa véritable mort, Rose Marguerite fut inhumée une nouvelle fois, puis transférée. On raconta alors qu’elle avait été enterrée trois fois. Une histoire singulière qui, de génération en génération, a nourri l’imaginaire collectif de la ville.