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lundi 30 juin 2025

L’histoire derrière Flow, le film muet qui a décroché l’Oscar

Porté par un chat muet mais téméraire, Flow s’impose comme une révélation mondiale. Avec plus de 36 millions de dollars au box-office international, une pluie de distinctions prestigieuses — dont l’Oscar du meilleur film d’animation — et le statut de plus gros succès de l’histoire du cinéma letton, Flow dépasse toutes les attentes. Un lundi soir, au cinéma Six n’Étoiles, les spectateurs ont eu le privilège d’échanger avec Ron Dyens, le producteur du film, invité pour l’occasion par l’association Lumières du Sud. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à embarquer dans cette aventure ?

Ron Dyens : Gints Zilbalodis m’a littéralement fasciné. Il avait réalisé Away, son premier long-métrage, entièrement seul, à seulement 24 ans ! Je l’ai découvert en tant que votant aux Oscars et j’ai été bluffé, notamment par ses mouvements de caméra hallucinants. J’ai pris contact avec lui tout de suite après.

Et comment travaille-t-on avec un jeune autodidacte ?

R.D. : C’est justement ce qui est passionnant. Avec Flow, Gints voulait franchir une étape : apprendre à collaborer. Le film parle de ça — de coopération dans un monde déserté par l’humain. C’est une fable profondément actuelle. Une scène m’émeut particulièrement : un capybara donne une banane au chat, un oiseau lui offre un poisson… mais le chat, solitaire, ne comprend pas. Jusqu’à ce qu’il donne à son tour. Il a évolué. Gints aussi. Ce film, c’est un peu sa thérapie.

La production s’est déroulée sans accroc ?

R.D. : Oui, étonnamment bien. Gints vient d’un pays balte où l’on parle peu, marqué par le nazisme, le soviétisme… et aujourd’hui Poutine. Et pourtant, il s’est ouvert. Flow, c’est un film silencieux, mais qui en dit long.

L’absence totale de dialogues, c’était un risque ?

R.D. : C’était un choix assumé dès le départ. Gints a toujours réalisé des films sans paroles. Il veut que le spectateur ressente, plutôt que de comprendre par le langage. Et ça marche : Flow repose sur cette puissance du silence.

Comment avez-vous vécu la course aux récompenses ?

R.D. : Dès le storyboard, j’ai senti quelque chose d’unique. Pourtant, j’ai produit plus de 100 courts-métrages. Mais là, j’ai ressenti une forme d’élévation. Je l’ai présenté aux sélectionneurs de Cannes… et ensuite, les festivals se sont enchaînés. Le film débordait d’intensité.

À votre avis, pourquoi le public a-t-il été autant touché ?

R.D. : Flow est une œuvre spirituelle dans un monde dur et désenchanté. Il parle de lien, de sagesse, d’acceptation. C’est universel, quelles que soient les croyances. Face à l’angoisse d’un effondrement, ce besoin de sens se fait de plus en plus pressant. Et le film y répond.

Est-ce que Flow a marqué un tournant dans l’animation indépendante ?

R.D. : Sans hésiter. Les Américains diraient que c’est un « milestone ». Il y a un avant et un après. J’ai toujours produit des œuvres atypiques, mais celui-là… même les catastrophes semblaient suivre le film : inondations à Valence, incendies à L.A.… Flow, comme Greta Thunberg ou la pandémie, est un signal d’alerte.

Et sur le plan technique, des défis particuliers ?

R.D. : Curieusement, non. Le film a été « béni des dieux ». Les financements sont arrivés sans difficulté, malgré tout ce qui aurait pu freiner : aucun dialogue, des animaux non humanisés… On a même refusé des financements. Mon seul souci aujourd’hui, c’est l’après : atteindre à nouveau ce niveau, c’est rare. Mais je continue l’aventure avec Gints, que je considère comme un génie. Le CNC letton a déjà mis 2 millions sur la table pour le prochain projet. L’histoire continue.

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L’histoire derrière Flow, le film muet qui a décroché l’Oscar

Porté par un chat muet mais téméraire, Flow s’impose comme une révélation mondiale. Avec plus de 36 millions de dollars au box-office international, une pluie de distinctions prestigieuses — dont l’Oscar du meilleur film d’animation — et le statut de plus gros succès de l’histoire du cinéma letton, Flow dépasse toutes les attentes. Un lundi soir, au cinéma Six n’Étoiles, les spectateurs ont eu le privilège d’échanger avec Ron Dyens, le producteur du film, invité pour l’occasion par l’association Lumières du Sud. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à embarquer dans cette aventure ?

Ron Dyens : Gints Zilbalodis m’a littéralement fasciné. Il avait réalisé Away, son premier long-métrage, entièrement seul, à seulement 24 ans ! Je l’ai découvert en tant que votant aux Oscars et j’ai été bluffé, notamment par ses mouvements de caméra hallucinants. J’ai pris contact avec lui tout de suite après.

Et comment travaille-t-on avec un jeune autodidacte ?

R.D. : C’est justement ce qui est passionnant. Avec Flow, Gints voulait franchir une étape : apprendre à collaborer. Le film parle de ça — de coopération dans un monde déserté par l’humain. C’est une fable profondément actuelle. Une scène m’émeut particulièrement : un capybara donne une banane au chat, un oiseau lui offre un poisson… mais le chat, solitaire, ne comprend pas. Jusqu’à ce qu’il donne à son tour. Il a évolué. Gints aussi. Ce film, c’est un peu sa thérapie.

La production s’est déroulée sans accroc ?

R.D. : Oui, étonnamment bien. Gints vient d’un pays balte où l’on parle peu, marqué par le nazisme, le soviétisme… et aujourd’hui Poutine. Et pourtant, il s’est ouvert. Flow, c’est un film silencieux, mais qui en dit long.

L’absence totale de dialogues, c’était un risque ?

R.D. : C’était un choix assumé dès le départ. Gints a toujours réalisé des films sans paroles. Il veut que le spectateur ressente, plutôt que de comprendre par le langage. Et ça marche : Flow repose sur cette puissance du silence.

Comment avez-vous vécu la course aux récompenses ?

R.D. : Dès le storyboard, j’ai senti quelque chose d’unique. Pourtant, j’ai produit plus de 100 courts-métrages. Mais là, j’ai ressenti une forme d’élévation. Je l’ai présenté aux sélectionneurs de Cannes… et ensuite, les festivals se sont enchaînés. Le film débordait d’intensité.

À votre avis, pourquoi le public a-t-il été autant touché ?

R.D. : Flow est une œuvre spirituelle dans un monde dur et désenchanté. Il parle de lien, de sagesse, d’acceptation. C’est universel, quelles que soient les croyances. Face à l’angoisse d’un effondrement, ce besoin de sens se fait de plus en plus pressant. Et le film y répond.

Est-ce que Flow a marqué un tournant dans l’animation indépendante ?

R.D. : Sans hésiter. Les Américains diraient que c’est un « milestone ». Il y a un avant et un après. J’ai toujours produit des œuvres atypiques, mais celui-là… même les catastrophes semblaient suivre le film : inondations à Valence, incendies à L.A.… Flow, comme Greta Thunberg ou la pandémie, est un signal d’alerte.

Et sur le plan technique, des défis particuliers ?

R.D. : Curieusement, non. Le film a été « béni des dieux ». Les financements sont arrivés sans difficulté, malgré tout ce qui aurait pu freiner : aucun dialogue, des animaux non humanisés… On a même refusé des financements. Mon seul souci aujourd’hui, c’est l’après : atteindre à nouveau ce niveau, c’est rare. Mais je continue l’aventure avec Gints, que je considère comme un génie. Le CNC letton a déjà mis 2 millions sur la table pour le prochain projet. L’histoire continue.

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Porté par un chat muet mais téméraire, Flow s’impose comme une révélation mondiale. Avec plus de 36 millions de dollars au box-office international, une pluie de distinctions prestigieuses — dont l’Oscar du meilleur film d’animation — et le statut de plus gros succès de l’histoire du cinéma letton, Flow dépasse toutes les attentes. Un lundi soir, au cinéma Six n’Étoiles, les spectateurs ont eu le privilège d’échanger avec Ron Dyens, le producteur du film, invité pour l’occasion par l’association Lumières du Sud. Rencontre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à embarquer dans cette aventure ?

Ron Dyens : Gints Zilbalodis m’a littéralement fasciné. Il avait réalisé Away, son premier long-métrage, entièrement seul, à seulement 24 ans ! Je l’ai découvert en tant que votant aux Oscars et j’ai été bluffé, notamment par ses mouvements de caméra hallucinants. J’ai pris contact avec lui tout de suite après.

Et comment travaille-t-on avec un jeune autodidacte ?

R.D. : C’est justement ce qui est passionnant. Avec Flow, Gints voulait franchir une étape : apprendre à collaborer. Le film parle de ça — de coopération dans un monde déserté par l’humain. C’est une fable profondément actuelle. Une scène m’émeut particulièrement : un capybara donne une banane au chat, un oiseau lui offre un poisson… mais le chat, solitaire, ne comprend pas. Jusqu’à ce qu’il donne à son tour. Il a évolué. Gints aussi. Ce film, c’est un peu sa thérapie.

La production s’est déroulée sans accroc ?

R.D. : Oui, étonnamment bien. Gints vient d’un pays balte où l’on parle peu, marqué par le nazisme, le soviétisme… et aujourd’hui Poutine. Et pourtant, il s’est ouvert. Flow, c’est un film silencieux, mais qui en dit long.

L’absence totale de dialogues, c’était un risque ?

R.D. : C’était un choix assumé dès le départ. Gints a toujours réalisé des films sans paroles. Il veut que le spectateur ressente, plutôt que de comprendre par le langage. Et ça marche : Flow repose sur cette puissance du silence.

Comment avez-vous vécu la course aux récompenses ?

R.D. : Dès le storyboard, j’ai senti quelque chose d’unique. Pourtant, j’ai produit plus de 100 courts-métrages. Mais là, j’ai ressenti une forme d’élévation. Je l’ai présenté aux sélectionneurs de Cannes… et ensuite, les festivals se sont enchaînés. Le film débordait d’intensité.

À votre avis, pourquoi le public a-t-il été autant touché ?

R.D. : Flow est une œuvre spirituelle dans un monde dur et désenchanté. Il parle de lien, de sagesse, d’acceptation. C’est universel, quelles que soient les croyances. Face à l’angoisse d’un effondrement, ce besoin de sens se fait de plus en plus pressant. Et le film y répond.

Est-ce que Flow a marqué un tournant dans l’animation indépendante ?

R.D. : Sans hésiter. Les Américains diraient que c’est un « milestone ». Il y a un avant et un après. J’ai toujours produit des œuvres atypiques, mais celui-là… même les catastrophes semblaient suivre le film : inondations à Valence, incendies à L.A.… Flow, comme Greta Thunberg ou la pandémie, est un signal d’alerte.

Et sur le plan technique, des défis particuliers ?

R.D. : Curieusement, non. Le film a été « béni des dieux ». Les financements sont arrivés sans difficulté, malgré tout ce qui aurait pu freiner : aucun dialogue, des animaux non humanisés… On a même refusé des financements. Mon seul souci aujourd’hui, c’est l’après : atteindre à nouveau ce niveau, c’est rare. Mais je continue l’aventure avec Gints, que je considère comme un génie. Le CNC letton a déjà mis 2 millions sur la table pour le prochain projet. L’histoire continue.

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