Surplombant la Méditerranée du haut de ses falaises vertigineuses, la montagne du Cap Sicié abrite depuis des siècles un lieu chargé d’histoire et de ferveur populaire : la Chapelle Notre-Dame du Mai.
Un poste de veille stratégique dès le Moyen Âge
Les premières mentions d’une présence humaine sur ce promontoire datent de février 1352. Une simple cahute servait alors de poste d’observation pour prévenir des menaces maritimes. Ce système de surveillance côtière, initié dès l’Antiquité avec l’arrivée des Phocéens à Marseille, reposait sur des feux d’alerte allumés dès qu’un navire était repéré. En 1589, le Conseil de la communauté décide de construire une véritable tour sur ce point stratégique. Des sentinelles de la garde royale y stationnaient, scrutant l’horizon à l’aide de longues-vues, prêtes à déclencher des signaux de fumée ou à allumer des feux pour alerter les populations de la côte.
Le coup de foudre sacré de 1625
En 1625, un événement marque un tournant dans l’histoire du site : la foudre s’abat sur la tour et la détruit en partie. Aucun mort n’est à déplorer, un miracle pour les habitants de l’époque, qui voient dans cette protection divine un signe. Cette même année, une première procession est organisée jusqu’au sommet, et une croix est érigée. Ce geste initie un élan collectif : les dons affluent, permettant la construction d’une chapelle, dédiée à Notre-Dame de Bonne Garde.
Une dévotion enracinée
Dès lors, le lieu devient un sanctuaire. En 1633, la chapelle est agrandie. En 1658, dans une lettre adressée à Blaise Pascal, M. Perier, beau-frère du philosophe, relate une scène bouleversante :
« Les habitants de la région, animés d’une grande piété, accomplissent leur pèlerinage pieds nus, en signe de pénitence et pour remercier la Vierge toute-puissante de sa protection miraculeuse lors d’un orage. Vous auriez été ému de participer à une telle démonstration de foi. »
Au fil des siècles, le sanctuaire devient un refuge dans les périodes troublées : après l’épidémie de choléra en 1836, à la fin de la guerre en 1871, ou encore en 1945 en mémoire des prisonniers et déportés.
Témoignages d’un pèlerinage populaire
Aujourd’hui encore, la tradition se perpétue. Chaque 1er mai, des centaines de pèlerins gravissent la montagne pour honorer Notre-Dame du Mai. Ils sont nombreux à garder en mémoire ces instants partagés.
Marc se rappelle :
« Quand j’étais enfant, les anciens appelaient la chapelle Notre-Dame du Mai la bonne mère. »
Viviane évoque :
« Quand j’étais jeune, on partait à pied en famille, souvent accompagnés des voisins, depuis l’usine des Tuileries. On faisait une pause pique-nique près de la source du Roumanian. En chemin, il n’était pas rare de croiser des pèlerins marchant pieds nus. »
Patou confie :
« À l’époque, certaines personnes montaient avec des pois chiches secs dans leurs chaussures pour remercier la bonne mère d’un vœu exaucé… Certains partaient même du Brusc ! »
Pascale ajoute :
« Ma belle-mère est montée pieds nus en 1978. Son fils a obtenu son bac cette année-là. Elle disait que son vœu avait été exaucé. »
Sauvetage d’un sanctuaire en péril
Jean-Sébastien Vialatte, maire de Six-Fours depuis 1995, raconte un épisode décisif :
« Cette année-là, l’érosion menaçait la falaise. La chapelle risquait de glisser dans la mer. Nous avons fait une demande d’aide à l’Union européenne, mais elle a été refusée car c’était un lieu de culte. Alors nous avons reformulé notre dossier, en insistant sur l’importance touristique du site. Une fois ce langage adopté, les financements ont été accordés. »
Grâce à cette stratégie, le site a pu être consolidé. Depuis, la municipalité multiplie les actions pour préserver le patrimoine religieux de la commune. Les travaux du parvis de la collégiale doivent d’ailleurs débuter prochainement.
Un paysage sublime, une chapelle emblématique
L’écrivain George Sand fut elle aussi émerveillée par le panorama :
« Au pied de La Chapelle, le précipice est vertigineux. On plonge à pic, parfois en encorbellement sur la mer… La paroi est très belle, des brisures nues, traversées tout à coup par des veines de végétation obstinée, des arbres nains… En face, il n’y a plus que la mer… Une brume irisée au bord, mais compacte à l’horizon, faisait de la Méditerranée une fiction, une sorte de rêve où passaient des navires qui semblaient flotter dans le vide. »
Notre-Dame du Mai : le pèlerinage a rassemblé la foule, rendez-vous dimanche pour les 400 ans de la chapelle :
Hier, la tradition a une nouvelle fois été honorée : le pèlerinage du 1er mai vers Notre-Dame du Mai a rassemblé une foule nombreuse, fidèle à ce rendez-vous spirituel et patrimonial. Sous un ciel clément, familles, croyants et curieux ont gravi les pentes du Cap Sicié, certains comme le veut la coutume, pieds nus ou en silence, dans un geste de foi ou de mémoire.
Si vous n’avez pas pu y participer, ne manquez pas le prochain grand rendez-vous : ce dimanche 4 mai, la commune célèbrera les 400 ans de la chapelle. Une date historique pour ce lieu emblématique de Six-Fours.
Programme des 400 ans – Dimanche 4 mai 2025
🕓 16h : Messe solennelle dans la chapelle, célébrée par Monseigneur François Touvet, Évêque du Diocèse de Fréjus-Toulon, et chantée par l’ensemble Lou Raioulet.
🕊️ À l’issue de la célébration, aura lieu le dévoilement officiel de la plaque commémorative :
« 1625 – 2025 : La Chapelle fête ses 400 ans. »
Pour ces deux événements, une navette gratuite assurera les allers-retours entre l’aire des Masc et la chapelle, afin de faciliter l’accès au plus grand nombre.
Ne manquez pas ce moment unique de recueillement, de transmission et de célébration au sommet de notre histoire locale.