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Toulon
lundi 16 juin 2025

“On n’avait plus de cercueils” : ils racontent l’hiver qui a marqué le Sud

Alors que l’été s’annonce doux, retour sur un hiver qui ne l’était pas du tout.


En cette année sans canicule annoncée, difficile d’imaginer qu’en 1956, nos anciens ont subi l’un des pires hivers du siècle. Dès le 2 février, les températures ont chuté brutalement, contredisant le dicton : « À la Chandeleur, l’hiver se meurt ou prend vigueur ». Ce jour-là, il faisait -20°C à Aix-en-Provence. Seulement 8 petits degrés de plus qu’à Moscou.

Et ce n’était que le début : trois vagues de froid successives se sont abattues sur la région. À Toulon, les derniers flocons sont tombés le 23 février. Trois semaines de gel qui ont laissé des traces profondes. Les écoles ferment, les cultures sont ravagées, les familles s’organisent pour survivre. Nous avons recueilli les souvenirs de ceux qui ont vécu cet hiver hors normes.


« Ce fut la fin de la polyculture »
Évelyne, fille d’agriculteurs, se souvient d’un désastre. « Les mimosas avaient gelé, les plantes sous serre aussi. On avait un vieux figuier que le froid a creusé comme un fauteuil : il est devenu la niche des chats. » Les animaux n’étaient pas épargnés. « Les seaux d’eau devenaient des blocs de glace. » Le choc fut brutal : « On cultivait des fleurs destinées à Grasse. Tout a gelé, on a arrêté. Ma mère est morte peu après, l’exploitation aussi. Depuis, on ne plante jamais rien avant la fin de l’hiver. Le froid peut tout emporter en une nuit. »


Témoignages de Six-Fours et La Seyne

Henry « Mon grand-père disait que le bloc-moteur de sa 403 avait éclaté sous le gel. » Annie « J’avais 6 ans. Mon père chauffait sa serre à tulipes avec des poêles. » Denise « En une nuit, tout était détruit. Les oliviers, la mer… Les souches gelées sont encore debout. » Marie-France « Nous étions au Brusc, la forêt sous la neige était magique. » Éliane « Il faisait 0°C dans les chambres. Les maisons n’étaient pas isolées. » Josyane « On voyait notre haleine dans les chambres le matin. » Annette « Le linge gelait sur les fils et se déchirait comme du papier. » Jeanne « Les tuyaux avaient éclaté. La côte de chez moi était verglacée, c’était dangereux. » Christouille « Au collège Curie, on réchauffait nos mains au-dessus des braseros. » André « J’avais 7 ans. La mer était gelée, un chien y glissait pour récupérer un bâton. Stupéfiant. » Rosita « On venait de Gap, et on n’avait jamais eu aussi froid. Les oliviers éclataient. » Jean-Louis « Ma grand-mère adorait la neige. Elle est morte cet hiver-là. » Maryse « Mon père posait son cartable sur le banc. Il a gelé dessus. » Émilie « La place de Beaussier était une patinoire. On faisait du patinage. »


Clairette : « Les routes étaient gelées, c’était terrible »
Receveuse dans les cars, Clairette glissait des journaux dans son manteau pour ne pas geler en allant au travail à vélo. « Un motard a glissé devant nous et s’est encastré dans le bus. Il est mort sur le coup. J’étais paralysée de peur, ce sont les passagers qui ont terminé mon travail à ma place. »


Josyane : « Le bois des arbres morts recyclé en objets du quotidien »
Dans son salon trône un lampadaire rustique. « Il vient d’un arbre gelé en 1956. À l’époque, on ne jetait rien. Les arbres morts devenaient des meubles. Cet objet m’a été offert, il symbolise cette époque. »


L’usine des Tuileries fermée huit jours
Laurent Prat, ouvrier, se souvient : « On ne pouvait plus extraire l’argile. Tout était gelé. J’ai aussi vu des oiseaux morts partout, faute de nourriture. »
Son grand-père travaillait aux décès à la mairie : « Il n’y avait que deux menuisiers en ville. Ils n’arrivaient plus à fabriquer assez de cercueils. On était dépassés. »


« On se réchauffait avec des briques »
Pas de radiateurs, mais une technique ingénieuse : Claude Majastre raconte : « On chauffait une brique dans la cuisinière, on l’emballait dans du papier journal et une serviette, puis on la glissait sous les draps. Ça réchauffait les pieds. »

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Alors que l’été s’annonce doux, retour sur un hiver qui ne l’était pas du tout.


En cette année sans canicule annoncée, difficile d’imaginer qu’en 1956, nos anciens ont subi l’un des pires hivers du siècle. Dès le 2 février, les températures ont chuté brutalement, contredisant le dicton : « À la Chandeleur, l’hiver se meurt ou prend vigueur ». Ce jour-là, il faisait -20°C à Aix-en-Provence. Seulement 8 petits degrés de plus qu’à Moscou.

Et ce n’était que le début : trois vagues de froid successives se sont abattues sur la région. À Toulon, les derniers flocons sont tombés le 23 février. Trois semaines de gel qui ont laissé des traces profondes. Les écoles ferment, les cultures sont ravagées, les familles s’organisent pour survivre. Nous avons recueilli les souvenirs de ceux qui ont vécu cet hiver hors normes.


« Ce fut la fin de la polyculture »
Évelyne, fille d’agriculteurs, se souvient d’un désastre. « Les mimosas avaient gelé, les plantes sous serre aussi. On avait un vieux figuier que le froid a creusé comme un fauteuil : il est devenu la niche des chats. » Les animaux n’étaient pas épargnés. « Les seaux d’eau devenaient des blocs de glace. » Le choc fut brutal : « On cultivait des fleurs destinées à Grasse. Tout a gelé, on a arrêté. Ma mère est morte peu après, l’exploitation aussi. Depuis, on ne plante jamais rien avant la fin de l’hiver. Le froid peut tout emporter en une nuit. »


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Henry « Mon grand-père disait que le bloc-moteur de sa 403 avait éclaté sous le gel. » Annie « J’avais 6 ans. Mon père chauffait sa serre à tulipes avec des poêles. » Denise « En une nuit, tout était détruit. Les oliviers, la mer… Les souches gelées sont encore debout. » Marie-France « Nous étions au Brusc, la forêt sous la neige était magique. » Éliane « Il faisait 0°C dans les chambres. Les maisons n’étaient pas isolées. » Josyane « On voyait notre haleine dans les chambres le matin. » Annette « Le linge gelait sur les fils et se déchirait comme du papier. » Jeanne « Les tuyaux avaient éclaté. La côte de chez moi était verglacée, c’était dangereux. » Christouille « Au collège Curie, on réchauffait nos mains au-dessus des braseros. » André « J’avais 7 ans. La mer était gelée, un chien y glissait pour récupérer un bâton. Stupéfiant. » Rosita « On venait de Gap, et on n’avait jamais eu aussi froid. Les oliviers éclataient. » Jean-Louis « Ma grand-mère adorait la neige. Elle est morte cet hiver-là. » Maryse « Mon père posait son cartable sur le banc. Il a gelé dessus. » Émilie « La place de Beaussier était une patinoire. On faisait du patinage. »


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Receveuse dans les cars, Clairette glissait des journaux dans son manteau pour ne pas geler en allant au travail à vélo. « Un motard a glissé devant nous et s’est encastré dans le bus. Il est mort sur le coup. J’étais paralysée de peur, ce sont les passagers qui ont terminé mon travail à ma place. »


Josyane : « Le bois des arbres morts recyclé en objets du quotidien »
Dans son salon trône un lampadaire rustique. « Il vient d’un arbre gelé en 1956. À l’époque, on ne jetait rien. Les arbres morts devenaient des meubles. Cet objet m’a été offert, il symbolise cette époque. »


L’usine des Tuileries fermée huit jours
Laurent Prat, ouvrier, se souvient : « On ne pouvait plus extraire l’argile. Tout était gelé. J’ai aussi vu des oiseaux morts partout, faute de nourriture. »
Son grand-père travaillait aux décès à la mairie : « Il n’y avait que deux menuisiers en ville. Ils n’arrivaient plus à fabriquer assez de cercueils. On était dépassés. »


« On se réchauffait avec des briques »
Pas de radiateurs, mais une technique ingénieuse : Claude Majastre raconte : « On chauffait une brique dans la cuisinière, on l’emballait dans du papier journal et une serviette, puis on la glissait sous les draps. Ça réchauffait les pieds. »

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Et ce n’était que le début : trois vagues de froid successives se sont abattues sur la région. À Toulon, les derniers flocons sont tombés le 23 février. Trois semaines de gel qui ont laissé des traces profondes. Les écoles ferment, les cultures sont ravagées, les familles s’organisent pour survivre. Nous avons recueilli les souvenirs de ceux qui ont vécu cet hiver hors normes.


« Ce fut la fin de la polyculture »
Évelyne, fille d’agriculteurs, se souvient d’un désastre. « Les mimosas avaient gelé, les plantes sous serre aussi. On avait un vieux figuier que le froid a creusé comme un fauteuil : il est devenu la niche des chats. » Les animaux n’étaient pas épargnés. « Les seaux d’eau devenaient des blocs de glace. » Le choc fut brutal : « On cultivait des fleurs destinées à Grasse. Tout a gelé, on a arrêté. Ma mère est morte peu après, l’exploitation aussi. Depuis, on ne plante jamais rien avant la fin de l’hiver. Le froid peut tout emporter en une nuit. »


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Henry « Mon grand-père disait que le bloc-moteur de sa 403 avait éclaté sous le gel. » Annie « J’avais 6 ans. Mon père chauffait sa serre à tulipes avec des poêles. » Denise « En une nuit, tout était détruit. Les oliviers, la mer… Les souches gelées sont encore debout. » Marie-France « Nous étions au Brusc, la forêt sous la neige était magique. » Éliane « Il faisait 0°C dans les chambres. Les maisons n’étaient pas isolées. » Josyane « On voyait notre haleine dans les chambres le matin. » Annette « Le linge gelait sur les fils et se déchirait comme du papier. » Jeanne « Les tuyaux avaient éclaté. La côte de chez moi était verglacée, c’était dangereux. » Christouille « Au collège Curie, on réchauffait nos mains au-dessus des braseros. » André « J’avais 7 ans. La mer était gelée, un chien y glissait pour récupérer un bâton. Stupéfiant. » Rosita « On venait de Gap, et on n’avait jamais eu aussi froid. Les oliviers éclataient. » Jean-Louis « Ma grand-mère adorait la neige. Elle est morte cet hiver-là. » Maryse « Mon père posait son cartable sur le banc. Il a gelé dessus. » Émilie « La place de Beaussier était une patinoire. On faisait du patinage. »


Clairette : « Les routes étaient gelées, c’était terrible »
Receveuse dans les cars, Clairette glissait des journaux dans son manteau pour ne pas geler en allant au travail à vélo. « Un motard a glissé devant nous et s’est encastré dans le bus. Il est mort sur le coup. J’étais paralysée de peur, ce sont les passagers qui ont terminé mon travail à ma place. »


Josyane : « Le bois des arbres morts recyclé en objets du quotidien »
Dans son salon trône un lampadaire rustique. « Il vient d’un arbre gelé en 1956. À l’époque, on ne jetait rien. Les arbres morts devenaient des meubles. Cet objet m’a été offert, il symbolise cette époque. »


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Laurent Prat, ouvrier, se souvient : « On ne pouvait plus extraire l’argile. Tout était gelé. J’ai aussi vu des oiseaux morts partout, faute de nourriture. »
Son grand-père travaillait aux décès à la mairie : « Il n’y avait que deux menuisiers en ville. Ils n’arrivaient plus à fabriquer assez de cercueils. On était dépassés. »


« On se réchauffait avec des briques »
Pas de radiateurs, mais une technique ingénieuse : Claude Majastre raconte : « On chauffait une brique dans la cuisinière, on l’emballait dans du papier journal et une serviette, puis on la glissait sous les draps. Ça réchauffait les pieds. »

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