Né les pieds dans l’écume, entre les remparts de Brest et l’horizon infini, Ramine porte en lui le double héritage d’un père marin-pompier et d’études d’ethnologie marine. D’abord attiré par la rigueur scientifique, il se heurte vite aux limites d’un cadre académique trop étroit : « Je cherchais le sensible, la poésie, les couleurs. » Sous la lampe de bureau où il rédige sa thèse, il esquisse alors des pêcheurs directement sur de vieilles cartes marines. Ce geste instinctif deviendra sa signature : transformer les documents de navigation en toiles habitées par les visages, les gestes et les épopées des gens de mer.
Diplômé de l’École nationale des arts décoratifs, il se définit comme « butineur des mémoires portuaires, contemplateur des prouesses humaines ». L’armée, séduite par ce regard singulier, l’embarque dans des missions sur toutes les mers du globe ; en retour, Ramine restitue ces expériences en images pleines de sel et de lumière.
La Batterie du Cap Nègre, carrefour d’histoires
Invité cette année à exposer à la Batterie du Cap Nègre, Ramine propose une plongée artistique dans la mémoire maritime. Parmi ses œuvres, certaines rendent hommage au Laborieux et au Protée, sous-marin français disparu en 1943 et reposant à 130 mètres de fond dans la baie de Cassis. À travers ses toiles, l’artiste fait ressurgir des fragments d’histoire souvent oubliés, mêlant l’esthétique au devoir de transmission.
Dans le même élan, il s’est lancé, il y a huit ans, sur les traces d’une mystérieuse goélette repérée sur une carte postale des années 1950. La légende indiquait simplement : « l’une des goélettes de l’École Navale dans la rade de Brest ». Intrigué, Ramine entame une enquête au long cours, de la Bretagne aux Flandres, en passant par Majorque, Alexandrie et Beyrouth, pour reconstituer le destin de ce navire fantôme.
La résurrection de la Notre-Dame d’Étel
Peu à peu, l’embarcation anonyme révèle son nom : Notre-Dame d’Étel. Construite au début du XXe siècle, elle fut d’abord bateau-pilote, puis navire de pêche, avant d’être rachetée par un alchimiste en quête de mystères ésotériques dans les temples d’Égypte. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle est réquisitionnée par la Marine nationale au Liban, puis passe sous pavillon de la France Libre. Pour échapper aux regards ennemis, l’équipage se grime… en pirates.
En 1943, une visite inattendue vient bouleverser leur quotidien : Joséphine Baker, figure de la Résistance, monte à bord pour soutenir le moral des troupes. Après la guerre, la goélette rejoint les eaux de Toulon, puis devient voilier d’instruction à Brest avant d’être abandonnée en 1956.
Fasciné par cette odyssée, Ramine lui consacre plusieurs toiles et un livre, dévoilant au public une histoire maritime restée trop longtemps dans l’ombre. À la Batterie du Cap Nègre, ses œuvres dialoguent avec celles du Protée ou du Laborieux, composant une fresque sensible et puissante, où l’art devient mémoire vive.
À découvrir
Rencontre avec l’artiste : jeudi12 juin, 9 h-12 h et 14 h-18 h (inauguration à suivre)
Exposition : Batterie du Cap Nègre, jusqu’au 2 juillet
Plus d’informations : www.RAMINE.com