Il y a l’odeur du cuir d’abord, puis celle de la colle et de la peinture. Dans cette petite échoppe du centre-ville, depuis une trentaine d’années, on restaure les objets de la vie, usés par le quotidien. Laurent Rossi est un passionné. Les paumes abimées à force de travailler la matière brute, c’est avec minutie qu’il confectionne à la main, presque comme à l’époque, une sandale en cuir. Fabricant de chaussures depuis trois générations, ce matin-là, il travaille sur un modèle dessiné par ses parents.
Il raconte : « Mon père a tenu un magasin de chaussures pendant 30 ans sur La place des Poilus. Vous pouvez encore y trouver ma mère derrière le comptoir. De mémoire, la boutique « Cendrillon » a ouvert ses portes à la fin des années 60. Quand mon père est décédé, j’avais 14 ans, il fallait trouver un métier et j’avais déjà les outils et certaines machines que j’utilise encore aujourd’hui. J’aimais la création, me servir de mes mains, la chimie et l’Art Plastiques … J’ai eu mon diplôme d’Etat de l’école de chaussures de Roman, j’ai travaillé pour de grandes marques comme Charles Jourdan ou Stéphane Kélian puis je suis revenu ouvrir mon affaire dans la ville de mon enfance ».
Si de nos jours les cordonniers se font plus rares, Laurent ne s’inquiète pas plus que ça. Il explique : « Il existe encore des gens pour agir comme si les objets avaient une âme. Sans parler de la génération qui répare au lieu de remplacer. Puis les femmes m’apportent tant de Louboutin que je suis devenu un habitué de la semelle rouge (rire). Pour le reste, si les habitudes changent, nous nous adaptons. Pour que le commerce reste viable, on se diversifie. Hier après avoir refait des clefs, j’ai gravé un prénom sur des boules de pétanque… »
Dans le fond de l’échoppe, des bottines à talons partagent l’établis en bois avec les rangers des pompiers de la caserne de la ville. Il faut réparer, cirer, recoller, mais aussi améliorer : « C’est souvent que l’on m’apporte un modèle avec une particularité qu’on souhaite gommer, comme des talons trop bruyants quand ils frappent le sol par exemple. C’est pour cette raison que je me tiens toujours au courant des dernières technologies qui arrivent sur le marché. C’est un métier qu’on ne peut pratiquer qu’avec le cœur, car il faut de la passion pour pouvoir proposer le meilleur à ses clients ».
Il marque un temps, et termine : « Et puis il y a la mondialisation aussi. Que vos chaussures aient été fabriquées en Inde, en Chine ou au Maroc, les matériaux ne sont pas les mêmes. Une colle va prendre ici, et ne rien donner là ». Le cœur à l’ouvrage et les mains dans l’enduit, Laurent reçoit une nouvelle cliente. Dans les prochains jours, Il laissera les chaussures de côté pour réparer la scelle en cuir d’un cheval dégradée par les soubresauts de l’animal .
Laurent Rossi Cordonnerie Six-Fournaise 51 Rue de la République 09 83 41 80 29
La cordonnerie reste ouverte pendant le confinement en horaires allégés du mardi au vendredi 9h00 – 12h et 15h00 17h30 le samedi 9h00 12h00