Quelque part au Brusc existe une terre où l’on joue de la musique classique depuis 1920. Au début du siècle dernier, Maurice Rougier était Luthier. Si son échoppe était située au 4 rue Gimelli à Toulon, c’est dans ses terres que l’homme aimait créer les instruments. Sous les arbres, au coeur de l’été, il n’était pas rare de le voir sortir l’un des 200 violons qu’il a façonné de ses mains pour le laisser sécher après fabrication.
« Un héritage familial »
Au travers les années, les notes de musique jouées par le grand-père se sont diluées dans les veines de toutes les générations qui ont suivi, jusqu’à Yaël, 17 ans, qui bien que pratiquant par amour des belles mélodies à présent, concède avoir eu le sentiment de « devoir porter un héritage » dans sa plus tendre enfance. Violoncelliste de talent, celle qui vient de faire son entrée au conservatoire, jouera sur les terres de son arrière grand-père ce week-end aux côtés de son père Stéphane et de sa grand-mère, Jeanne, 83 ans. « L’histoire ne pouvait pas se conclure ainsi » reprend son paternel.
Avec d’autres musiciens qui, comme lui, appartiennent à de grands orchestres et se produisent dans des festivals de renoms, il a décidé d’ajouter une nouvelle date à son agenda, sans cachet à la fin.
Sur les terres de ces ancêtres, en cette fin de semaine, un peu moins d’une dizaine d’artistes vont se produire, bénévolement, pour l’amour de la transmission et du partage. « Ce rendez-vous nous demande un gros effort pendant 11 mois pour pouvoir tout mettre en place. Ne serait-ce que pour les chaises (rires), j’ai cherché sur les annonces et j’en ai ramené jusqu’ici 48, dans un seul et même trajet, avec ma voiture. Nous ne demandons rien à personne, il y a juste un chapeau qui passe dans les rangs à la fin, car ce projet n’a pas pour vocation à être rentable. On souhaite casser la distance qu’il peut exister entre le monde de la musique classique et le public. On propose d’ailleurs une rencontre après la réception. La gratuité de l’événement fait que nous avons des familles qui viennent avec des enfants. Ça, c’est aussi très important pour nous, la question de l’héritage et de la transmission est au coeur de notre démarche. »
La seconde édition du festival de musique de chambre insolite débutera vendredi, il y aura au programme, entre autres, du Vivaldi, du Mozart et du Beethoven.
Ce vendredi, samedi et dimanche 20h30 au 785 chemin de Mouries. Entrée libre. Avec la participation de Stephane Rougier et Pierre Charles de « Les musiciens du Louvre », Tristan Chenevez de l’Opéra National de Bordeaux, Cécile Brossard de l’Orchestre National de Montpellier, Nicolas Peyrat de l’Orchestre de Paris, et Gabrielle Charles, Yaël Rougier, Marwan Dafir, Jeanne Rougier.
« La passion est le secret de la longévité »
Jeanne Rougier a 83 ans et est la mère de Stéphane, créateur du festival de musique de chambre insolite. Le piano est arrivé dans sa vie par surprise lorsqu’elle avait 8 ans et ne l’a jamais quitté. Aujourd’hui encore, elle accepte de jouer pour les amis, la famille, ou encore ceux qu’elle appelle « les personnes âgées » dans les Ehpad. « Il y a quelque chose dans leurs yeux qui s’allume quand je joue. Je trouve ça si beau que je ne peux pas refuser une demande. »
Celle qui a une forme exemplaire concède s’aider de la musique pour se maintenir. « Je suis parfois aussi comme une enfant, si on ne me dit pas qu’il y a un concert à la clef, je ne vois pas ça comme un travail. Je m’amuse simplement au quotidien avec des amis qui aiment jouer comme moi. »
Parce que pour Jeanne, si la musique ne doit pas être considérée comme un simple labeur, elle ne doit pas non plus être solitaire. « Je ne m’épanouie que dans le partage … jouer seule ? À quoi bon ! »
Et ce raisonnement n’est certainement pas étranger au fait que son fils ait eu l’envie de réunir une dizaine de musiciens pour jouer bénévolement devant un public de mélomanes ou de simple curieux ce week-end. Jeanne y prendra justement part, accompagnée de sa petite fille. Venez les voir !