Bruit de cigales et petites rafales de vent sont au micro de Jacques Fayet ce matin-là de la fin des années 70. Pour cette matinale d’été, une émission diffusée sur France Culture, le présentateur a choisi d’interviewer Henri-Paul Brémondy, un Bruscain qui travaille à la culture au département. Sur son temps libre, l’homme mène une série d’enquêtes entre 1976 et 1978 sur les pêcheurs et leurs habitudes.
Il les interviewe longuement, prend des notes et des centaines de photographies. Lorsqu’on lui demande de dépeindre son village de coeur, il raconte à l’antenne : « Le Brusc a beaucoup souffert de ressembler à une carte postale, d’être un petit hameau de pêche avec tout ce que cela représente pour des gens qui ne connaissent pas la Côte d’Azur en profondeur. Le Brusc a une profondeur beaucoup plus importante qu’un simple dépliant touristique. Depuis des siècles, les maisons du Brusc se regardent dans la mer, et je crois que cette image leur plaît parce que la mer entre profondément dans ces maisons. Il y a une cinquantaine d’années, la mer arrivait jusqu’au pied des maisons les jours de mauvais temps. Les quais étaient alors encombrés d’algues arrachées au fond des mers par les tempêtes. Mais la mer entrait encore plus profondément puisqu’elle était dans la partie la plus intime des gens qui habitaient ces maisons. Les pêcheurs et tous les habitants du Brusc portent la mer en eux. Ils vivent une relation intime avec la mer. »
Anna-Lou Brémondy est la fille de cet homme passionné par la mer. Elle se remémore l’amour presque déraisonnable que son père éprouvait pour les gens de la mer. Elle raconte : « Issu d’une lignée de propriétaires terriens, il avait fait de longues études et occupait un poste important, mais sa véritable passion était de s’habiller en pêcheur et de prendre son pointu. Parfois, il nous réveillait à l’aube pour aller acheter les appâts. J’avais les mains pleines de vers de terre, et il fallait passer la matinée sous le soleil brûlant. Ce n’était pas forcément un rêve pour nous, mais pour lui, si. »
De retour à terre, il rendait visite à ses amis pêcheurs, et Douine semblait être celui qu’il appréciait le plus. Les conversations, enregistrées en français ou en provençal, abordent plusieurs thématiques, telles que le langage de la mer, le quotidien des pêcheurs, les lieux de pêche qui doivent rester secrets, ainsi que les adaptations du métier durant les deux guerres mondiales, lorsque les pêcheurs étaient enrôlés dans la marine. À son décès, sa famille a choisi de faire don de ses enquêtes à la Maison Méditerranéenne de Sciences de l’Homme (MMSH), où tout est désormais consultable en ligne.
Toutes les photographies sont consultables : https://media.hal.science/BREMONDY